New York-Miami, de Frank Capra (1934) : l'amour au bout d'un voyage en bus
Ah, New York - Miami ! ou Miami - New York, car c'est bien dans ce sens que l'héritière capricieuse et le journaliste fauché voyagent. Premier film à avoir obtenu les cinq Academy Awards majeurs - meilleur film, meilleur réalisation, meilleur scenario, meilleure actrice, meilleur acteur - New York - Miami était pourtant un film auquel personne ne croyait. Tiré d'une histoire que Frank Capra avait lue dans le journal, tourné avec trois kopecks et en trois semaines - une exigence de Claudette Colbert, la star féminine, qui espérait ainsi échapper au tournage en pensant que ce délai ne serait jamais accepté, ce marivaudage typique de la comédie américaine fut un triomphe inattendu.
Ellie Andrews (Claudette Colbert), jeune héritière gâtée new yorkaise, veut absolument se marier avec King Westley, un play-boy sans intérêt ; son père s'y oppose, et l'enferme à bord de leur yacht amarré à Miami afin de l'empêcher de faire une bêtise. Ellie, n'en faisant qu'à sa tête, saute par-dessus bord et rallie New York en autocar. À bord, elle rencontre un journaliste mal embouché en rupture de rédaction, Peter Warne (Clark Gable). Ce dernier, qui a reconnu l'héritière, profite de l'occasion pour vendre à son directeur un papier sur la jeune femme afin de réintégrer son poste. Il ne la lâchera pas d'une semelle pendant tout le voyage.
Le scenario peut tenir sur un feuille de papier à cigarette : et, malgré, ou à cause, de cela, et grâce au talent inné de Frank Capra, tout fonctionne. New York-Miami, c'est l'une des premières screwball comedies, un terme désignant ces films complétement givrés qui firent le régal du public dans les années 30 (ainsi l'Extravagant M. Deeds, l'Impossible M. Bébé ou encore Sérénade à trois). Se déroulant souvent dans la haute société, avec toujours un (bon) fond de lutte des classes, les screwball comedies restent ce qu'Hollywood savait faire de mieux en matière de rire : distinction et loufoquerie. Quand il envisage New York-Miami, Frank Capra végète au studio Columbia, à l'époque sans aucun éclat, et se bat régulièrement contre son despotique patron, Harry Cohn (mot d'ordre : " je ne veux pas que ce soit bon, je veux que ce soit prêt dans huit jours!"). Pour New York-Miami, il approche toutes les vedettes féminines de la galaxie hollywoodienne ; seule Claudette Colbert lui donne une réponse avec des exigences qu'elle pense rédhibitoires - un salaire doublé et seulement trois semaines de tournage. Le premier rôle masculin, c'est Clark Gable qui en hérite. Déjà le chéri de ces dames, il est prêté par la MGM à la Columbia suite à un insubordination quelconque - et, à l'époque, être prêté à la Columbia, c'est plus qu'une punition, c'est une véritable disgrâce. Le succès du film ramena bien vite Clarki à la MGM, qui ne le lâchera jamais plus.
C'est ainsi que, dans un film à tout petit budget qui est devenu une pépite, on découvre la technique hilarante de Clarki pour faire du stop (succès mitigé) et celle de Claudette (beaucoup plus efficace); la signification toute hollywoodienne des murs de Jéricho (le code Hays est passé par là); les voyages en bus, fait de public mêlé ; la scène où Clarki enlève sa chemise sans qu'il porte de marcel, qui fit baisser les chiffres de vente de tous les sous-vêtements masculins; et une scène de non-mariage mémorable. Pour la petite histoire : Clarki mange des carottes dans New York-Miami ; la façon qu'il a de le faire aurait inspiré le personnage de Bugs Bunny. Bon voyage!
NEW YORK - MIAMI (IT HAPPENED ONE NIGHT)
Universal, 1934
Réalisation : Frank Capra
Photographie: Joseph Walker
Distribution : Claudette Colbert (Ellie Andrews), Clark Gable (Peter Warne), Walter Connolly (M. Andrews)
Première visionnage : Cinéma de minuit
Film de Frank : l'Extravagant M. Deeds, Grande dame pour un jour, Arsenic et vieilles dentelles, Bessie à Broadway
Film avec Clarki : l'Esclave libre, Franc jeu, la Belle de Saïgon, l'Appel de la forêt, Fascination, la Courtisane, les Désaxés, Autant en emporte le vent
Film avec Claudette : Images de la vie