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Un certain cinéma
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3 juillet 2015

L'Esclave libre, de Raoul Walsh (1957): Clark Gable et la mulâtresse

Les programmations télévisées réservent parfois de belles surprises: il y a de cela quelques dimanches, alors que je cherchais quoi regarder, Arte m'annonce la diffusion imminente d'une film avec... Clark Gable, Clarki, l'Esclave libre précisément. Ni une, ni deux, je dégaine une cassette vidéo, j'enregistre... et je regarde en même temps, car c'est trop bien.

Hamish et Amantha, à l'heure de la séparation

Tiré du roman du même nom de Robert Penn Warren, je n'ai jamais pu venir à bout de l'oeuvre originale; l'écriture, peut-être, l'absence totale de légèreté, et cette proportion à tout prendre au tragique. En outre, l'Esclave libre souffre de la comparaison avec Autant en emporte le vent, qui traite de la même période (la guerre de Sécession), du même sujet (l'esclavage), et qui a également une femme comme héroïne. À la lecture, il n'y a pas photo, je préfère Margaret Mitchell. À l'écran, personne ne peut rivaliser avec Selznick et Fleming, mais le film que Raoul Walsh tire de l'Esclave libre n'est pas à dédaigner, au contraire! Voici pourquoi:

1. Il y a Clarki. Cela suffit pour être conquis.

2. Il y a Yvonne De Carlo (cliché du jour ici) qui tient le premier rôle féminin. Elle qui a rarement vu la couleur d'un film de bonne facture la mettant au premier plan s'en tire avec les honneurs. Dans un registre de femme cherchant son identité, elle incarne tout à la fois la détresse et l'amour, la peur et la force, la pitié et la colère. 

3. Yvonne De Carlo a un visage qui semble dessiné par Paul Gauguin: des traits marqués, parfaitement harmonieux, en un mot fascinants. 

4. L'histoire: Amantha Starr, fille d'un riche planteur, découvre à la mort de son père que sa mère, qu'elle n'a pas connue, était une esclave (donc noire). Selon la loi du Sud, elle fait donc partie des meubles, et sera vendue aux enchères (où Clarki, parfait gentleman, l'achète, afin de la soustraire à la convoitise de dandies mal élevés).

5. Sidney Poitier. Un des rares acteurs noirs à être une vedette à part égale avec les blancs dans les années 1950. Il tient ici le rôle ambigu de Rau-Ru, le fils adoptif d'Hamish Boles (Clarki); il y est remarquable. L'entendre chanter une vieille rengaine de blues est un ravissement.

Amantha et Rau-Ru

6. Les couleurs. On est dans le Technicolor à outrance: pas de pastel, pas de demi-mesure, de la couleur! des rouges flamboyants, des bleus cyan, des blancs éclatants, des verts saisissants, bref, un festival pour les yeux!

7. Le traitement de l'esclavage. Là où Autant en emporte le vent prend, dans l'oeuvre originale, clairement parti contre son abolition, l'Esclave libre est plus nuancé. Avoir une héroïne blanche se découvrant mulâtresse permet de cheminer à travers le monde de l'esclave de façon objective; c'était sans doute le souhait de l'auteur et de Raoul Walsh. Les relations maître-esclave sont beaucoup plus crus et ambigus que chez Margaret Mitchell; je ne croyais pas qu'un film des années 50, encore bien imprégnées de censure et de sujets tabous, pût livrer des dialogues aussi transparents sur un sujet aussi sensible (aux États-Unis, s'entend).

8. Le titre original est Band of Angels, comme le livre. Je cherche encore qui sont les anges en question.

9. L'Esclave libre n'avait pas pour ambition de supplanter Autant en emporte le vent, contrairement à Duel au soleil. Il y a Clarki à l'affiche dans les deux cas, c'est tout. Et c'est beaucoup.

10. Certains critiques paresseux ont justement reproché à l'Esclave libre d'être le Autant en emporte le vent du pauvre. Mais non! Robert Penn Warren a écrit son livre bien avant Margaret Mitchell, les films sur la guerre de Sécession se comptent par douzaines, beaucoup ont une femme comme héroïne. Ce film mérite beaucoup mieux que sa fausse réputation. En fait, les affres dans lesquels se débat Amantha Starr rappelle davantage ceux endurés par Sarah Jane Johnson, héroïne de Mirage de la vie: comment exister en paraissant presque blanche, alors que pour l'administration et la société américaine, on est considérée comme noire? Problème insoluble pour Amantha comme pour Sarah Jane, vivant, à un siècle d'écart, dans la même société manichéenne.

Bon visionnage!

affiche Esclave libre

L'ESCLAVE LIBRE (BAND OF ANGELS)

Warner Bros, 1957

Réalisation: Raoul Walsh, d'après le roman de Robert Penn Warren (éditions Phébus)

Photographie: Lucien Ballard

Distribution: Clark Gable (Hamish Boles), Yvonne De Carlo (Amantha Starr), Sidney Poitier (Rau-Ru) 

Premier visionnage: Arte

Films avec Clarki: les Désaxés, la Courtisane, la Belle de Saïgon, Franc-jeu, l'Appel de la forêt, Fascination, New York Miami, Autant en emporte le vent

Films avec Yvonne: les Dix commandements

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Commentaires
R
J'adore Sydney Poitier! Je le trouve trop beau! Ce film est une petite pépite!
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R
Merci énormément pour cette découverte: ne ce serait ce que pour le casting (Gable ) en tête, le film m'intéresse.<br /> <br /> Un ptit lien en cadeau: https://lachambreroseetnoire.wordpress.com/2015/07/02/je-craque-un-article-finalement-livres-et-cine-tele/<br /> <br /> Gros bisous et bon week-end!
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G
Yvonne de Carlo dans un grand rôle dramatique et le beau Sydney Poitier? Damned! Il faut que je vois ça!
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