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Un certain cinéma
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5 juin 2019

Autant en emporte le vent, de Victor Fleming (1939) : l'apogée d'Hollywood

Film de tous les superlatifs - un tournage dispendieux, des millions de spectateurs, une marée d'oscars -, Autant en emporte le vent fut et reste l'indépassable modèle de ce que la cité des anges savait faire de mieux, l'exact synonyme du mot cinéma, le symbole de l'industrie hollywoodienne. Quatre-vingts ans après, il reste un modèle de savoir-faire, de perfection cinématographique, de grand spectacle, de dialogues mémorables et de Technicolor flamboyant.   

Annex - Leigh, Vivien (Gone With the Wind)_NRFPT_09

1861, en Géorgie. Scarlett O'Hara (Vivien Leigh), fille aînée d'un riche planteur, tournure piquante, caractère vif et décidé, apprend par hasard par ses soupirants que l'homme qu'elle aime, Ashley Wilkes (Leslie Howard), est sur le point d'épouser Mélanie Hamilton (Olivia de Havilland). À l'occasion du pique-nique ayant lieu le lendemain aux Douze-Chênes, la demeure des Wilkes, elle décide de prendre Ashley à part pour lui avouer son amour et lui proposer de l'épouser, elle. Malheureusement, Ashley refuse, en tentant de lui faire comprendre qu'ils sont trop différents pour espérer être heureux ensembles. Furieuse, Scarlett le gifle ; après le départ d'Ashley de la pièce, elle découvre qu'un homme, Rhett Butler (Clark Gable), a assisté à toute la scène. Après forces invectives, la jeune fille s'enfuit. Au même moment, la guerre est déclarée. Scarlett, par dépit d'avoir perdu Ashley, épouse Charles Hamilton, le frère de Mélanie, un garçon sensible, très émotif, fasciné par la nature bouillonnante de Scarlett. Le jeune homme meurt un mois plus tard de la rougeole. Veuve à 17 ans, Scarlett suffoque d'ennui jusqu'à ce que sa mère bien-aimée, Ellen, lui propose d'aller rendre visite à Mélanie à Atlanta, afin de se changer les idées. Elle accepte, part, et retrouve sur place l'homme indiscret des Douze-Chênes, Rhett Butler.

Histoire du Sud des États-Unis et guerre de Sécession, incompréhension mutuelle au sein d'un couple et volonté féminine, galerie de personnages tous mieux croqués les uns que les autres, efficacité dans l'intrigue n'oubliant ni la grande Histoire, ni la petite, ni l'anecdotique ni le romanesque : c'est ce que réussit à faire Margaret Mitchell avec son unique roman. Admirablement porté à l'écran par Victor Fleming, Autant en emporte le vent condense tout ce qui fait la force durable d'un chef-d'oeuvre : narration incomparable, comédiennes et comédiens au meilleur de leur jeu, alternance admirable entre événements historiques et histoire particulière… et un charme, un souffle épique qui traversent l’écran malgré les années.

Annex - Leigh, Vivien (Gone With the Wind)_16

Autant en emporte le vent, et le générique est en cela trompeur, c’est d’abord et surtout l’histoire de Scarlett O’Hara. Une héroïne qui ne ressemble à aucune autre : son seul désir est d’avoir Ashley, quelles qu’en soient les conséquences. Elle s’accroche à ce désir qui devient une obsession. Dans le même temps, la guerre, qui la ruinera, fera d’elle une femme âpre au gain, sans concession ni chaleur, n’ayant plus qu’une crainte : avoir faim. Poussée par ces deux buts, elle ne verra ni l’amour fraternel de Mélanie, ni l’amour vrai de Rhett Butler. C’est en les perdant tous les deux, et au prix d’un minuscule retour sur elle-même (Scarlett ne comprend pas l’âme humaine, pas même la sienne), qu’elle réalisera ce qu’elle a manqué. Sa nature exubérante devient sécheresse de cœur, sa coquetterie devient goût pécuniaire, et sa moquerie devient insolence. Un portrait de femme extraordinaire, peu commun, et inachevé : on ne sait quel chemin prendra cette héroïne sans équivalent à la fin de la première partie de sa vie. Une femme fragile, Scarlett ? que nenni ! elle se débat seule, contre les éléments, en y opposant rien d’autre qu’une volonté dure comme le cœur d’un chêne. L’apparition de Rhett Butler dans sa vie n’y change rien : si elle accepte son aide, puis sa demande en mariage, ce n’est que pour se mettre financièrement à l’abri. Si violente a été la perte de toute sa grâce et sa douceur qu’elle ne voit pas l’amour, enseveli sous les piques et les rosseries, que Rhett lui porte. L’histoire de leur couple est l’image même de l’incompréhension. Incompréhension doublée d’une peur enfantine d’avouer son amour par peur des moqueries. Scarlett, à cette étape de sa vie, est incapable de bienveillance, d’aménité et de chaleur. Seul son amour pour sa mère et sa Mamma résiste à cette dureté. Scarlett courre après un rêve, et s’aperçoit, trop tard, quand il est à portée de main, qu’elle n’en veut plus. Son désir enfantin s’est fait obstination en balayant tout le reste ; une fois éteint, il ne reste qu’un champ de ruines autour de l’héroïne.

Poster - Gone With the Wind_17

Le mise en chantier du film fut à l’image du roman : épique ! Clarki, plébiscité par toute l’Amérique pour endosser le rôle de Rhett, Scarlett, cherchée pendant des mois et découverte au dernier moment, renvoi de George Cukor de la réalisation car trop féminin, mainmise de David O. Selznick sur le film… car Autant en emporte le vent, avant d’être un film de Fleming, c’est celui de la volonté d’un seul homme, le producteur David O. Selznick donc, qui remporte les palmes de l’immortalité grâce à ce coup de maître. Un mot sur la distribution ? toutes les actrices connues et inconnues auditionnèrent pour le rôle de Scarlett. Katharine Hepburn, toujours modeste, débarque un jour dans le bureau de Selznick en lui annonçant d’un ton péremptoire que Scarlett, c’est elle. Selznick lui répond : « Je n’imagine pas Rhett Butler vous attendre pendant dix ans ». Bien envoyé. Paulette Goddard est sur le point de l’emporter, quand le frère de David, Myron, lui présente une jeune actrice britannique, Vivien Leigh. Banco ! Sa manière de jouer, tout en frénésie et en agressivité, formait un contraste saisissant avec le jeu tout en minauderie et en hésitation des autres postulantes. Le pâle Ashley est interprété par le non moins pâle Leslie Howard (mais qui peut paraître à son avantage face à Clarki ?) ; l’acteur, britannique également, accepte dans le seul but de pouvoir tourner, ensuite, Intermezzo. On pourrait reprendre l’assertion de Selznick face à Hepburn devant ce choix : on n’imagine pas Scarlett lui courir après pendant dix ans. La délicate Mélanie, rôle presque ingrat, est confié à Olivia de Havilland, qui voyait là, enfin, l’occasion de sortir des films de cape et d’épée et de ses héroïnes invisibles qu’elle enchaînait avec Errol Flynn. Son interprétation est une révélation, et lui permis enfin de prétendre à des rôles plus consistants. Et que dire de la fameuse Mamma, Hattie McDaniel ? la comédienne, déjà bien connue dans le milieu, fit de ce rôle, a priori anodin, quelque chose d’authentique. Mamma est la seule à voir Scarlett telle qu’elle est réellement : la complicité entre les deux femmes est formidablement décrite. Ajoutons un mot au sujet de Laura Hope Crewe, qui incarne l’évaporée et plantureuse tante de Mélanie, miss Pittypat Hamilton : un régal de second rôle.

Le film remporte quasi tous les oscars de 1940, à l’exception de celui du meilleur acteur – pauvre Clarki ! Autant en emporte le vent reste le film le plus vu, celui qui a rapporté le film d’argent (rappelons aux esprits étroits qu’un dollar de 2019 n’est pas un dollar de 1939), et qui reste le plus fameux symbole d’Hollywood. Aujourd’hui, les films sont saturés d’image de synthèse, des femmes tombent amoureuses de poissons, des scenarios ineptes sont déclinés en franchise de 20 volets, des hommes bleus nous expliquent la nature… ça du cinéma ? pffft, taratata !  

Poster - Gone With the Wind_01

AUTANT EN EMPORTE LE VENT (GONE WITH THE WIND)

Selznick International Pictures, 1939

Réalisation : Victor Fleming, d'après le roman de Margaret Mitchell (éd. Gallimard)

Photographie : Ernest Haller, Ray Rennahan 

Distribution : Clark Gable (Rhett Butler), Vivien Leigh (Scarlett O'Hara), Leslie Howard (Ashley Wilkes), Olivia de Havilland (Mélanie Hamilton)

Premier visionnage : France 3

Film de Victor : la Belle de Saïgon

Film avec Clarki : la Belle de Saïgon, l'Esclave libre, les Déxaxés, Fascination, l'Appel de la forêt, Franc-jeu, la Courtisane, San Francisco, New York - Miami

Film avec Olivia : l'Héritière, Capitaine Blood

Au sujet de Clarki

Au sujet d'Olivia. Au sujet d'Olivia et de sa soeur Joan Fontaine

Au sujet de Mamma

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Commentaires
C
Tu es adorable, miss ! merci pour tous tes gentils messages.
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L
J'ai adoré les livres, et ce personnage de Scarlett, à tel point que j'ai presque peur de voir le film... Il le faut pourtant et ton article le prouve très bien
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