Bessie à Broadway, de Frank Capra (1928): cirque de province contre planches de Broadway
À la faveur d'une rétrospective Frank Capra à la Cinémathèque de Paris, j'ai découvert son septième film - un muet - , Bessie à Broadway. Curieuse séance, car pour la première fois au cinéma, un film muet était diffusé sans accompagnement musical, enregistré ou non! Ce qui n'a pas empêché de beaux éclats de rire, car Bessie à Broadway est un film absolument adorable.
Don Wilson (Johnnie Walker) est un célèbre acteur de Broadway: grimé en Noir et chantant des rengaines de blues, il fait chaque soir salle comble. Lors d'une escapade, son impresario, son producteur et lui-même se retrouve perdus dans un recoin obscur de l'Etat de New York. Il y trouve une troupe locale, les Bolivar, et décroche, suite à un quiproquo, un rôle dans la pièce donnée par la troupe. Il y rencontre Bessie Bolivar (Bessie Love), fille du directeur. Le producteur de Don, Wingate, assiste au spectacle et décide de le programmer à Broadway, pour que les spectateurs puissent se moquer des travers de la pièce, qui le rendent hilarant. Don se prête au jeu, non sans remords, car il a été touché par le charme de Bessie... qui ne connaît pas la vedette qu'il est à Broadway.
On retrouve dans Bessie à Broadway les prémices des thèmes que le cinéaste développera tout au long de sa carrière: l'opposition bon sens/opportunisme, gens simples/esprit roué, ville/campagne, sentiment sincère/sentiment factice... Le sens de la dramaturgie de Capra est déjà là; même les intertitres annoncent les dialogues, brillants, de ses films parlants. L'argument est simple - à l'instar, finalement, de toutes les oeuvres de Capra - , et il n'en faut pas plus pour être séduit. Une mention curieuse de l'époque: Don Wilson est un chanteur "blackface", c'est-à-dire un chanteur Blanc maquillé en Noir pour chanter des chansons dites du Sud. C'est le reflet d'une mode des années 20 qui n'a pas d'équivalent en France. On se souvient que le héros du Chanteur de jazz, le premier film parlant, est lui aussi un blackface.
Au sujet des acteurs? On découvre ici Johnnie Walker, une vedette populaire de l'ère muette, très sympathique dans son (double) rôle. Et surtout, on voit Bessie Love, visage menu et traits fins, qui débuta à dix-sept ans et fut très vite repérée par David W. Griffith. Sans jamais atteindre l'aura de superstar d'une Swanson, elle sera une vedette très populaire tout au long de la période muette. La découvrir dans ce rôle piquant, où, toute mutine, elle joue une mauvaise actrice de province très débrouillarde, finalement blessée quand tout Broadway se moque de sa troupe, est un vrai plaisir.
Enjoy!
BESSIE À BROADWAY (THE MATINEE IDOL)
Paramount, 1928
Réalisation: Frank Capra
Photographie: Philip Tannura
Distribution: Bessie Love (Bessie Bolivar), Johnnie Walker (Don Walker), Ernest Hilliard (Arnold Wingate), Lionel Belmore (Jasper Bolivar)
Premier visionnage: Cinémathèque française.
Films de Capra: l'Extravagant M. Deeds, Arsenic et vieilles dentelles, Grande dame pour un jour, New York - Miami