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Un certain cinéma
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14 avril 2019

Mirage de la vie, de Douglas Sirk (1959): les mères et leurs filles (bis)

Le plus flamboyant mélodrame jamais tourné par Douglas Sirk, le maître du genre, Mirage de la vie reste, près de soixante ans après sa réalisation, d'une étonnante actualité : relations mères-filles, ségrégation raciale, ambition féminine... Magnifié par le Technicolor, porté par des actrices au plus près de leur rôle, soutenu par un scenario sans faille et une mise en scène admirable, Mirage de la vie est un film précieux sans cesse à redécouvrir.

Lora Meredith (Lana Turner), veuve et aspirante comédienne, accueille chez elle Annie Johnson (Juanita Moore). Lora est blanche, Annie est noire. Les deux femmes ont chacune une fille, Susie et Sarah Jane. On suit leur histoire sur une dizaine d'années : les rêves de gloire théâtrale de Lora, au détriment de sa vie sentimentale, la volonté de Sarah Jane, née d'un père à la peau très claire, de se faire passer pour blanche dans une Amérique ségrégationniste et ses douloureuses conséquences, l'impuissance d'Annie face à la rébellion de sa fille, le manque d'amour maternelle ressenti par Susie.. et, au milieu de ce carrousel féminin, des figures masculines observant, sans toujours les comprendre, ces quatre femmes: Steve (John Gavin), photographe amateur choisissant la sécurité de l'emploi, ne comprenant pas les désirs professionnels de Lora; un dramaturge au service de Lora qui l'aide à percer, puis qui ne veut pas entendre qu'elle rêve d'autres emplois; le flirt de Sarah Jane, qui la passe à tabac quand il comprend que sa mère est noire... et couronnant le tout, la voix exceptionnelle de Mahalia Jackson, clôturant ce "mirage de la vie".

imitacion-a-la-vida-2

On peut lire, ça et là, quelques reproches sur le scénario: la vie de Lora prend trop de place, Annie se cantonne à une vie d'employée de maison, et seule Sarah Jane, ouvertement en rébellion, n'est pas suffisamment exploitée. C'est faire un mauvais procès au film et aux intentions de Douglas Sirk. Le film va beaucoup plus loin que la première version qui fut tirée du roman de Fannie Hurst, Images de la vie. Lora Meredith se donne les moyens de ses ambitions, certes ; mais, par touches subtiles, elle prend position sur cette fameuse question raciale : jamais elle ne considère Annie comme son employée de maison. Les deux femmes sont compagnes d'infortune, se soutiennent, et réussissent ensemble. Elle joue dans une pièce dite engagée, entourée de comédiens exclusivement noirs, quand son dramaturge attitré lui recommande de se cantonner aux pièces légères. Annie prend en charge l'intendance de Lora quand celle-ci l'accueille, sa fille et elle, dans son deux-pièces, puis reste dans son rôle d'employée jusqu'à sa mort. Ce n'est pas parce qu'Annie manque de volonté, au contraire : Annie a très bien compris la situation des Noirs aux États-Unis ; il n'y a pas, alors, d'espace pour le changement. Elle accepte la situation telle qu'elle est, pour mettre ses forces au service de quelque chose de plus grand : sa vie après la mort. "Je veux être du côté des brebis le jour de ma mort, et non des loups", dit-elle. Et Annie, socle immuable, fera le bien, en toute discrétion, toute sa vie ; ses funérailles démontrent par l'exemple sa charité, son humilité et sa bonté. Son seul drame lui viendra de sa fille, qui refuse cette vie invisible, d'autant plus qu'elle paraît blanche aux yeux de tous, mais qu'elle est considérée comme noire. Rendue folle par cette équation impossible, amère, se cherchant sans cesse et, finalement, fuyant sa mère afin d'aller de l'autre côté du miroir, mais au prix d'emplois de danseuse de night-club, Sarah Jane est un personnage toujours actuel. La fin du film, cathartique et déclencheur de forces larmes, est une des plus belles du cinéma.

Pourquoi, finalement, ce titre, Mirage de la vie, ou Imitation of Life ? Parce que, comme l'expliquait le réalisateur lors de la sortie du film, le bonheur ne se contente pas de diamants, de réussite, et d'apparence. Ce chemin vers le bonheur se retrouve à l'intérieur de nous-même, dans notre essence. Personne ne peut faire ce chemin à notre place; le chercher, en s'élevant au-delà de tous les artifices matériels du bonheur (ce que suggère le générique et sa pluie de diamants), amène à trouver sa propre vérité. C'est le chemin que suit Annie.  

Prenez vos mouchoirs -:)

Poster - Imitation of Life (1959)_01

MIRAGE DE LA VIE (IMITATION OF LIFE)

Universal, 1959

Réalisation: Douglas Sirkd'après le roman de Fannie Hurst

Photographie: Russell Metty

Avec : Lana Turner (Lora Meredith), John Gavin (Steve Archer), Sandra Dee (Susie Meredith), Susan Kohner (Sarah Jane Johnson), Juanita Moore (Annie Johnson)

Premier visionnage : Cinéma de minuit

Sur le blog: Film de Douglas: Ecrit sur du vent, Taza, fils de Cochise 

Film avec Lana : les Ensorcelés, Franc-jeu, la Danseuse des Ziegfeld Follies

Au sujet de Lana, Lana et Ava

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Commentaires
L
Je suis assez curieuse de découvrir ce film. Je ne connais pas du tout ce réalisateur en plus !
Répondre
L
C'est un réalisateur dont j'aimerai beaucoup voir les films.
Répondre
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