Samson et Dalila, de Cecil B. DeMille (1949): la trahison féminine vue par un fils de pasteur
La devise de Cecil B. DeMille était "Dieu et Sexe". Si le premier mot n'est pas franchement présent lors de la première partie - muette - de sa carrière, où le cinéaste faisait dans la comédie débraillée et sophistiquée, l'alchimie des deux prit tout son sens lorsque DeMille s'empara des sujets antiques. Après une première version muette des Dix commandements, le cinéaste s'attaque franchement au péplum avec le Signe de la croix, en 1932, qui est comme une révélation: dans l'Antiquité, les populations étaient toutes décadentes car polythéistes et les femmes peu vêtues. Une véritable aubaine! Samson et Dalila, anté-pénultième film de DeMille, est celui qui illustre le mieux sa devise: l'atmosphère sexuelle y est à son comble.
Le synopsis est tiré d'un épisode de la Bible. Samson (Victor Mature), un Danite d'une force peu commune, se bat pour que son peuple, alors sous le joug des Philistins, obtienne sa liberté. Malgré cela, il est amoureux d'une Philistine, Sémadar (Angela Lansbury). Le Saran de Gaza (George Sanders), après l'exploit du jeune juif face au lion, l'autorise à l'épouser. Pendant la noce, les convives philistins, jaloux de la faveur de Samson, déclenchent une rixe suivie d'un feu: Sémadar est tuée dans l'incendie. Samson s'enfuit; la jeune soeur de Sémadar, Dalila (Hedy Lamarr), se retrouve seule et sans appui. Elle jure alors de se venger de celui qui est la cause de tous ses malheurs.
Cecil B. DeMille considèrait l'histoire de Samson et Dalila comme l'une des plus belles histoires d'amours. En plus, elle vient de la Bible, c'est formidable. Par professionnalisme, car il ne souffre pas que ses renconstitutions soient critiquées, il embauche un historien afin d'écrire un script qui soit inattaquable au point de vue antique. Pour le personnage de Dalila, le cinéaste a aussi son idée. Il décrit la séductrice comme « chaude, douce, rusée » avec une « prédisposition dangereuse pour la vengeance ». En outre, il la voit comme « une combinaison de Vivien Leigh et de Jean Simmons avec une pincée de Lana Turner ». Rien que ça! Curieusement, Hedy Lamarr ne fut que tardivement pressentie pour le rôle: DeMille fit appel à elle en voyant ses scènes dans le Démon de la chair. Bonne pioche: le rôle de Dalila sera pour Hedy Lamarr l'apogée de sa carrière. Pour Samson, après avoir songé à Burt Lancaster (qui refusa pour cause de douleurs récurrentes au dos), DeMille appela Victor Mature, dont le gabarit pouvait convenir. Mature fit honneur au rôle: on n'avait jamais vu un Samson aussi physique et sensible à la fois, tout en ayant... un sex-appeal indéniable.
DeMille a une devise particulière, et il est fils de pasteur (mais oui): c'est dire que la Bible, il connait, merci pour lui. Si vous voulez tout savoir de l'histoire de Samson et Dalila, voyez le film. Toutes les anecdotes y sont reprises : le désir de Samson pour une Philistine, l'épisode du lion, l'énigme fatale, l'incendie des champs philistins, la mâchoire d'âne, la trahison de Dalila, la meule à grains, enfin la destruction du temple du dieu Dragon. Tout est mis en scène dans un superbe Technicolor et servi par des acteurs impeccables (ah, George Sanders!) dirigés par un vieux briscard qui connaît le cinéma mieux que personne (DeMille a commencé sa carrière en 1914). Je mets un bémol au sujet de l'authenticité des costumes portés (magnifiquement) par Hedy Lamarr, qui me semble plus Hollywood après-guerre version pin-up de luxe que réellement antique.
J'aime beaucoup le personnage de Sémadar: fière chasseresse vêtue d'or des pieds à la tête à l'image de sa chevelure, elle est somptueusement incarnée par Angela Lansbury, une actrice dont j'aime beaucoup le minois chiffonné. Elle n'a malheureusement pas eu beaucoup de grands rôles à la mesure de son talent. Finalement, je la préfère à Dalila. Dalila, c'est définitivement Hedy Lamarr, vénéneuse, trahissant un amour pour de l'argent. Le code Hays est encore en vigueur; pourtant, la Philistine est clairement désignée comme une prostituée (de luxe certes), mot alors interdit par la censure. Les censeurs devaient dormir à ce moment... ou la beauté d'Hedy Lamarr les a laissés sans volonté.
Un film gorgé de stupre, de soufre et d'alchimie sexuelle, un colosse qui se fait berner par une gazelle et une courtisane qui finit dans la rédemption... c'est ça la Bible vue par DeMille!
SAMSON ET DALILA (SAMSON AND DELILAH)
Paramount, 1949
Réalisation: Cecil B. DeMille, d'après... la Bible
Photographie: George Barnes et Dewey Wrigley
Distribution: Hedy Lamarr (Dalila), Victor Mature (Samson), George Sanders (le Saran de Gaza), Angela Lansbury (Sémadar), Henry Wilcoxon (Astur)
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