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Un certain cinéma
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5 septembre 2014

Le Coeur nous trompe, de Cecil B. DeMille (1921): de l'importance d'être inconstant

Film le plus représentatif des comédies mondaines et sophistiquées qui firent la gloire de Cecil B. DeMille au temps du muet, le Coeur nous trompe est aussi le portrait d'une certaine société frivole qui n'existe plus. À travers les aventures amoureuses que poursuit le héros du film, Anatol DeWitt Spencer (Wallace Reid), c'est presque une étude de moeurs qui nous est contée sur ce monde oisif de la fin des années 10. De la fin des années 10? Pas tellement, si on prend en compte le fait que le scénario s'inspire d'une nouvelle d'Arthur SchnitzlerAnatol, écrite en 1893. 

Loin, très loin des péplums qui assoieront sa postérité, Cecil B. DeMille, à ses débuts, était plutôt branché haute société un brin licencieuse. L'un de ses premiers grands succès, Après la pluie, le beau temps (Don't Change Your Husband, 1911), déjà avec Gloria Swanson, donne le ton: une épouse trouve son mari trop prosaïque quand elle est de nature romanesque; elle décide d'en changer, se remarie à un beau garçon beau parleur, pour finalement se rendre compte que son premier mari n'était pas si difficile à vivre!

En plateau: Kosloff, Swanson, Dexter, DeMille, Ayres, Faye & Reid

Avec le Coeur nous trompe, c'est l'ennui du mari qui est développé (ennui tout relatif): lors de sa lune de miel, Anatol Spencer, homme de la bonne société, trouve son épouse Vivian (Gloria Swanson) trop mielleuse, trop attentive, trop parfaite. Il voudrait, lui, sauver une femme en détresse, pas une épouse comblée. Lors d'un dîner, il revoit un amour d'enfance, Emilie Dixon (Wanda Hawley), désormais femme de petite vertu. Persuadé que le destin l'a mise sur sa route pour la sauver, il l'installe dans un appartement et la visite régulièrement. Son épouse Vivian n'intervient pas, persuadée qu'il finira par se lasser. Emilie s'ennuie très vite dans cette cage dorée, et préfère revoir l'un de ses gros souteneurs, Gordon Bronson (Théodore Roberts). Anatol l'apprend, se fâche, et retourne près de sa femme, non sans avoir eu du mal à se faire pardonner. Mais ce n'est pas fini! Toujours obsédé par l'idée de de sauver une femme en détresse, il commence par s'amouracher d'une fermière (Agnes Ayres) qui tentait de se noyer mais finit par retourner vers son mari, puis, voulant connaître l'excitation de la vie de célibataire, il décide de rencontrer Satan Synne (Bebe Daniels), la femme la plus perverse de la ville. Noyée sous les symboles occultes et sulfureux, vêtue d'un long manteau représentant une pieuvre et entraînant ses amants dans un cabinet noir, Satan Synne n'est en fait, malgré les apparences, qu'une épouse désespérée; elle cherche, avec ses aventures, l'argent nécessaire pour l'opération du coeur de son mari, un soldat revenu du front. En apprenant cela, Anatol (enfin!) se rend compte que la vie de célibataire n'est pas celle qu'il imaginait, et qu'il sera finalement mieux auprès de sa femme; lorsqu'il revient au domicile conjugal, il attend en vain Vivian. Elle ne rentre qu'à 9h du matin, en galante compagnie...

Satan Synne, la femme pieuvre

Une histoire qui ne pourrait plus être tournée de nos jours, non plus que la Ronde, également de Schnitzler: c'est le témoignage d'une haute société frivole qui a disparue. Néanmoins, ce qui est plaisant est que Vivian, toute mielleuse qu'elle fût, rende la monnaie de sa pièce à Anatol. Bien qu'elle se garde de lui faire des reproches quand il papillonne, elle n'est pas dupe pour autant, et profite toute autant que lui de cette situation un peu absurde. Un régal de comédie, brillante, même parfois caustique, et qui, pour une amoureuse des costumes de cette époque, est une vraie mine d'or. Enfin, c'est aussi l'occasion de voir Wallace Reid, le plus célèbre jeune premier des ces années 10 et 20. Immensément populaire, il mourut en 1923, à l'âge de 31 ans, d'une overdose de morphine. Les drogues étaient déjà un fléau dans cette nouvelle Babylone qu'était Hollywood; Wallace Reid en devint coutumier après une blessure reçue sur un tournage. Vite devenu morphinomane, il décéda dans d'atroces souffrances. Sa veuve, Dorothy Davenport, obtint de Will Hays (oui, celui du Code Hay), de tourner un film de propagande sur le danger des narcotiques (car Hay, en parfait imbécile qu'il était, avait banni de l'écran toute allusion à la drogue): ce sera Déchéance humaine, réalisé par John Griffith Wray, en 1923, avec Bessie Love et Dorothy Davenport - créditée en tant que "Mme Wallace Reid" - dans les rôles principaux. En attendant de pouvoir découvrir ce document, n'hésitez pas à vous délecter du Coeur nous trompe.

affiche Coeur nous trompe

LE COEUR NOUS TROMPE (THE AFFAIRS OF ANATOL)

Paramount Pictures, 1921

Réalisation: Cecl B. DeMille, d'après une nouvelle d'Arthur Schniztler 

Photographie: Karl Struss et Alvin Wyckoff

Distribution: Wallace Reid (Anatol DeWitt Spencer), Gloria Swanson (Vivian Spencer), Wanda Hawley (Emilie Dixon), Théodore Roberts (Gordon Bronson), Elliott Dexter (Max), Théodore Kosloff (Nazzer Singh, le medium), Agnes Ayres (Annie Elliott), Monte Blue (Abner Elliott), Bebe Daniels (Satan Synne)

Premier visionnage: support DVD

Film de Cecil B. DeMille: Samson et Dalila

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Commentaires
R
Je suis une grande fan de films mondains de cette époque!
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