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Un certain cinéma
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19 mai 2014

L'Insoumise, d'Howard Hawks (1928): quand un prince arabe rencontre une coquette parisienne

Un joli petit film muet découvert... hier soir grâce au Cinéma de minuit. La plus jolie pépite exhumée du programme depuis de longs mois (les cycles italiens des années 60, ça ne m'emballe pas). C'est l'un des derniers films muets d'Howard Hawks, le futur réalisateur du Balafré, de l'Impossible M. Bébé, des hommes préfèrent les blondes, et de quantité de westerns bon cru rarement dépassés (sauf peut-être égalés par son copain Raoul Walsh).

Pour l'histoire, bien qu'elle ne soit pas de lui, on se croirait dans un roman de Pierre Benoit, quand l'exotisme oriental faisait les beaux jours de la littérature romanesque: un prince arabe, Fazil (Charles Farrell), rencontre une belle parisienne, Fabienne (Greta Nissen), lors d'un séjour à Venise. Ils s'éprennent l'un de l'autre, se marient dans la foulée, jusqu'au moment où leurs différences de culture (déjà!) leur paraissent incompatibles. Fazil s'en repart en Orient, Fabienne part le retrouver, malgré les mises en garde de sa tante Hélène (Mae Busch): en Arabie, les femmes n'ont aucune liberté. Les époux se retrouvent et... on peut penser que cela se termine comme dans une opérette. Hélas non: c'est un final d'opéra.

Fazil et Fabienne en pleine tourmente

L'Insoumise fait parti de ces films destinés à faire rêver les midinettes et les jeunes filles en fleurs: il y a la figure du mâle oriental, avec de belles manières mais gardant un je-ne-sais-quoi de primitif, le prototype du séducteur qu'on craint tout en l'espérant, et pour lui faire face une jolie blonde occidentale, Parisienne, d'allure très libre mais gardant un coeur pur... et sa liberté. Déjà, on pointe les différences culturelles entre l'Orient et l'Occident (sans juger que les unes sont meilleures que les autres), mais surtout, dans l'Insoumise, c'est la place de la femme qui est subtilement mise en avant. C'est entendu, la femme française de l'époque n'avait aucun droit: ni de voter, ni d'avoir son propre compte en banque, à peine celui de travailler. Ici, c'est la liberté de mouvement dont elle jouit qui est souligné comme une vraie modernité de la société où elle vit, en contrepoint avec celle dont ne jouit pas - du moins le suppose-t-on - la femme orientale. Fazil trouve son épouse trop libre pour les moeurs de son pays, Fabienne trouve son époux trop attaché à ses traditions. Leur désaccord éclatent au grand jour quand la blonde parisienne vient rejoindre son mari en Arabie. La solution pour que le couple puisse continuer à vivre et à s'aimer en dépit de ces obstacles n'est pas évoquée, ni suggérée, ni inventée, et c'est dommage: on aurait eu un vrai film avant-gardiste. Mais c'est un mélodrame, il doit faire pleurer les foules à chaudes larmes: les deux amants ne se rejoindront complétement que dans la mort. 

Greta Nissen en plein désespoir, enfermée dans le harem de son mari

Un mot des deux acteurs principaux: Charles Farrell, ici avec le cheveu un peu gonflé et la peau légèrement hâlée pour faire exotique, mais pas trop (il garde ses yeux clairs), est surtout connu pour les films romanesques qu'il tourna avec Janet Gaynor, notamment l'Ange de la rue et l'Heure suprême. Il fut un des acteurs fétiches de Frank Borzage, et j'avais eu l'occasion de le voir (mais je ne l'ai pas reconnu) dans la Danse rouge, avec Dolores Del Rio, où, de mémoire, il incarnait un grand-duc. Son Fazil est séduisant mais réservé, incarné avec une remarquable économie de moyens. Greta Nissen, star en vue des années 20, tourna beaucoup avec Raoul Walsh, mais n'eut pas l'heureux destin de sa compatriote et homonyme Greta Garbo: le parlant brisa net sa carrière, sans que l'on sache vraiment si ce coup du sort fut uniquement dû à son accent. Blonde aux grands yeux bleus avec une grâce de ballerine, elle est une Fabienne toute en légèreté et en distinction, malgré une mélancolie que l'on voit poindre au fond de son regard. 

Un joli film donc, avec un accompagnement musical mêlant chants arabes et gaité parisienne, à voir sans hésitation. L'élégance et le rêve y sont parfaitement à leurs places.

affiche Insoumise

L'INSOUMISE (FAZIL)

William Fox Production, 1928

Réalisation: Howard Hawks, d'après le roman de Pierre Frondaie, l'Insoumise (en anglais Prince Fazil)

Photographie: W. O'Connor

Distribution: Charles Farrell (Fazil), Greta Nissen (Fabienne), John Boles (John Clavering), Mae Busch (Hélène de Breuze), Tyler Brooke (Jacques de Breuze) 

Premier visionnage: Cinéma de minuit

Films d'Howard Hawks: les hommes préfèrent les blondes, la Dame du vendredi, l'Impossible M. Bébé

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Commentaires
R
Fan de films classiques tout court, c'est aussi une espèce en voie de disparition lol.
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R
Je suis fan de film muet, d'Howard Hawks, de romance. Donc il est fait pour moi :)<br /> <br /> Merci beaucoup pour la découverte, ton blog a aussi l'air d'être excellent!<br /> <br /> A plus!<br /> <br /> Ciao!
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