Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un certain cinéma
Pages
Archives
Newsletter
21 mai 2014

L'Éternel retour, de Jean Delannoy (1943): les dieux sont descendus de l'Olympe

Hier soir, séance ciné privée au cours de laquelle j'ai enfin vu un film que je gardais depuis... près de 15 ans dans ma vidéothèque à moi. N'ayant jamais trouvé le bon moment pour le voir, j'ai profité d'être seule avec ma mère pour lui proposer de le regarder. Banco! Nous ne fûmes pas déçues de ce retour dans le passé (hi hi).

De l'Éternel retour, nous savions que cela s'inspirait de la légende de Tristan et Iseut, que Jean Marais y lance involontairement la mode des pull jacquard et que toutes les filles copièrent la coiffure, très inhabituelle pour l'époque, de Madeleine Sologne. Les dialogues sont de Jean Cocteau, jamais très loin quand Jean Marais est là (ou l'inverse), et il y a également à l'affiche le nain Piéral, que l'on retrouve dans toutes les productions de cape et d'épée de l'époque. Tourné en pleine occupation, en 1943, à Nice, le film évite soigneusement de parler de la guerre, même s'il situe son récit dans les temps contemporains. L'Éternel retour connaîtra un succès considérable à sa sortie; il fit rêver les foules en les amenant loin, très loin de l'Occupation, lança définitivement la carrière de Jean Marais et empêcha quiconque de revisiter la légende de Tristan et d'Iseut, tant elle est portée ici à son point le plus ultime.

Avant la tempête... Nathalie (Madeleine Sologne) et Patrice (Jean Marais)

Hormi les noms des deux amants, tout est conforme à ce qu'en disait Béroul: dans un château, sans doute dans le Sud de la France, un homme, Marc (Jean Murat), vit avec son neveu Patrice (Jean Marais) et la famille de sa soeur Gertrude (Yvonne de Bray). Cette dernière souffre d'avoir un fils nain, Achille (Piéral), qui, comme dans les contes, est fourbe et jaloux de l'éclatante beauté de Patrice. Devant la solitude de son oncle, Patrice le presse de se marier, et se propose d'aller lui-même lui chercher une épouse. Arrivé dans une île de pêcheurs, il met à terre, dans un rade mal famé, un personnage du nom de Morholt (Alexandre Rignault), qui lui cherchait des noises. Blessé, il est soigné par Nathalie (Madeleine Sologne) dans la maison de celle-ci et de sa tante Anne (Jeanne Marken). Patrice propose à Nathalie l'alliance avec son oncle. Celle-ci, bien que troublée par Patrice, accepte pour fuir l'île et le Morholt. Avant son départ, Anne lui donne un vin d'herbe, favorisant les sentiments, afin qu'elle le boive avec son futur. Pour tromper la vigilance d'éventuelles personnes, elle a écrit "poison" sur l'étiquette. Arrivée au château, Nathalie, comme convenu, épouse Marc, très épris d'elle. Mais le nain Achille, toujours mauvais et toujours jaloux, espionne sans cesse Patrice et Nathalie, qui passe beaucoup de temps ensemble. À la faveur d'une nuit d'orage, Patrice propose à Nathalie, toujours sage, de faire des bêtises en buvant du cognac. Elle s'exécute, mais dans leurs deux verres, Achille a versé ce qu'il croyait être un poison... et qui est le filtre qui va enchaîner les deux jeunes gens.

Le jacquard de Jean Marais et la coiffure de Madeleine Sologne, impeccable même allongée sur un tapis

Avec ce film, on n'est plus dans la simple légende: on est au-delà d'elle. Une histoire qui, mal filmée, mal jouée, mal écrite serait risible. Ici, non. La beauté insensée de Jean Marais, la blondeur lumineuse et les durs yeux noirs de Madeleine Sologne, leur jeunesse irréelle à tous les deux en font un couple de cinéma d'une telle beauté et d'une telle évidence que rien d'autre ne compte. Les textes, servis par des acteurs d'une sobriété et d'une justesse admirables, sont d'une beauté singulière. Tout concourt à hisser le film au niveau du mythe de Tristan et Iseut, et le résultat est bien au-delà de ce qu'on peut espérer. On ne peut plus faire de films pareils: tout est dans la poésie, l'ellipse et l'inspiration. Jusque dans le personage de Nathalie la brune (Junie Astor), qui, malgré un rôle ingrat, nous émeut en amoureuse éplorée de Tristan, jalouse de Nathalie la blonde. La scène finale est d'ailleurs admirable: Patrice, agonisant, meurt en croyant que la barque devant ramener Nathalie la blonde est vide. Celle-ci, qui était bien là, arrive vers lui, droite et déjà ailleurs, enveloppée dans une longue cape blanche, coiffée de ses longs et lisses cheveux blonds, et s'alonge pour mourir près de son amour. Les deux, gisants côte à côte, sont la représentation exacte de l'éternelle jeunesse du monde. C'est simplement une merveille.

Affiche Éternel retour

L'ÉTERNEL RETOUR

André Paulvé, 1943

Réalisation: Jean Delannoy, d'après la légende de Tristan et Iseut (scénario Jean Cocteau)

Photographie: Roger Hubert

Distribution: Jean Marais (Patrice), Madeleine Sologne (Nathalie la blonde), Jean Murat (Marc), Junie Astor (Nathalie la brune), Roland Toutain (Lionel), Jeanne Marken (Anne), Jean d'Yd (Amédée Frossin), Piéral (Achille Frossain) le chien Moulou, Alexandre Rignault (le Morholt) et Yvonne de Bray (Gertrude Frossin)

Premier visionnage: je pense que ça doit être La Cinquième, "100 ans de cinéma français"

Publicité
Commentaires
R
Ce film donne vraiment envie. Moi j'attends toujours ma motivation pour voir Orphée de Jean Cocteau.<br /> <br /> Bien à toi!<br /> <br /> Bisous!
Répondre
R
Ce film donne vraiment envie. Moi j'attends toujours ma motivation pour voir Orphée de Jean Cocteau.<br /> <br /> Bien à toi!<br /> <br /> Bisous!
Répondre
Publicité