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Un certain cinéma
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6 juin 2016

la Comtesse aux pieds nus, de Joseph L. Mankiewicz (1954): mémoires d'outre-tombe

Premier film que je vis avec "le plus bel animal du monde", j'ai nommé Miss Ava Gardner, la Comtesse aux pieds nus m'a d'abord emballée. L'histoire est romanesque à souhait: une star incomprise, un réalisateur alcoolique qui est le seul à comprendre sa star sans la désirer, un publicitaire pragmatique et opportuniste, un magnat de cinéma odieux, un milliardaire mal élevé, et un prince charmant impuissant... n'en jetez plus! C'est tout ce que j'aimais adolescente: l'impossibilité d'être heureux.

Avec le temps (va, tout s'en va) et d'autres visionnages, il me semble que la Comtesse aux pieds nus pâtisse aujourd'hui de ses qualités. Une histoire mélodramatique, mais sans les accents flamboyant de Douglas Sirk; un scenario très (trop?) bavard; un personnage de femme magnifique à l'extérieur, creux à l'intérieur... bref, un sentiment mitigé m'anime face à la perle de Joseph L. Mankiewicz et au titre de gloire de miss Gardner.

Cherchez pas Ava!

L'histoire? Harry Dawes (Humphrey Bogart), un réalisateur récemment sobre, Oscar Muldoon (Edmond O'Brien), un agent d'acteur, et le comte Torlato-Favrini (Rossano Brazzi), un aristocrate fuyant le monde, assistent à un enterrement: celui d'une jeune femme, la comtesse Torlato-Favrini, anciennement vedette sous le nom de Maria d'Amata, née Maria Vargas (Ava Gardner). À travers les souvenirs et le point de vue de ces trois hommes, c'est la vie de Maria qui défile devant nous: sa découverte dans un cabaret, son ascension parmi les stars, sa rencontre avec le comte, et sa mort. Un leitmotiv? Maria fut un animal indomptable, rebelle à la société, aimant les mauvais garçons, décourageant son entourage par son indépendance d'esprit et d'allure.

ça y est, je suis une star!

On le comprend, c'est un portrait de femme que Mankiewicz tente de faire. Un portrait merveilleusement stylisé, animé avec grâce par l'incandescente Ava Gardner. La star y brille de tous ses feux, se glissant sans peine dans un personnage indépendant, inaccessible et sublime. Il est curieux de noter que ce rôle, qui semble résumer Ava toute entière, ne fut pas écrit pour elle: c'est Linda Darnell, alors maîtresse de Mankiewicz, qui fut la première source d'inspiration du personnage (aller pieds nus, c'était son habitude à elle!). Puis, bien qu'il s'en défende, c'est bien la vie de Rita Hayworth qui fournit la matière la plus riche au scénario de Mankiewicz (danseuse latine de condition modeste, star fabriquée, mariage avec l'Aga Khan). La star, à qui on proposa d'ailleurs vainement le rôle, refusa catégoriquement d'incarner un personnage si évidemment inspiré de sa propre vie.

Mankiewicz est un peu "Stefan Zweig" dans son genre: quand un style de narration marche, il le réutilise à volonté. Chez Zweig, c'est le Joueur d'échecs qui reprend intégralement la trame de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme. Chez Mankiewicz, c'est Chaînes conjugales (admirable portraits de trois épouses) qui inspire fortement la Comtesse aux pieds nus: un événement, trois narrateurs différents, un personnage dont tout le monde parle et qui ne parle pas. Ça a l'avantage de laisser un parfum de mystère sur Maria, que l'on ne découvre que par ceux qui l'ont connue. Le processus empêche la véritable prise de parole d'un personnage féminin à multiples facettes, facettes qui, en fin de compte, se résume à une seule: rebelle à toute autorité, mais sans but.

les faiseurs de star

Maria est finalement faite pour rester irréelle: gitane aux pieds nus, star par accident, amoureuse par besoin, rebelle sans cause... sa seule déception fut le soir de ses noces. Et l'on ne peut s'empêcher de penser que Mankiewicz est bien retors d'avoir ainsi puni son personnage par où il a pêché: une volonté de briser sa créature, rencontrant enfin son prince charmant ? pourtant Maria ne rêve que de Cendrillon, ce qu'Harry Dowes, le seul qui la comprenne, répète sans cesse. Finalement, ce sont les personnages masculins qui sont le mieux croqués: Oscar Muldoon, le publicitaire dépassé par les goûts du public, est génial; le milliardaire Bravano, oisif pusillanime et fastueux vivant de jet-set, de champagne et de belle compagnie, est plus vrai que nature; le comte Torlato-Favrini, authentique aristocrate valeureux et désabusé, seul de son milieu à posséder un coeur intact... à défaut du reste, est admirable. 

Qu'ajouter de plus? la Comtesse aux pieds nus scintille de tout son Technicolor, la mise en scène est un peu rigide, la danse gitane de Maria sur la Côte-d'azur est ébouriffante... Je regrette seulement que le film s'écoute trop parler, soit trop "écrit" à la façon théâtrale: un peu plus de finesse, un peu moins de cérébralité, et l'on aurait un objet définitivement merveilleux. Bonne séance!

affiche Comtesse aux pieds nus

LA COMTESSE AUX PIEDS NUS (THE BAREFOOT CONTESSA)

MGM, 1954

Réalisation: Joseph L. Mankiewicz

Photographie: Jack Cardiff

Distrisbution: Humphrey Bogart (Harry Dowes), Ava Gardner (Maria Vargas), Edmond O'Brien (Oscar Muldoon), Marius Goring (Alberto Bravano), Valentina Cortese (Éléonore Torlato-Favrini), Rossano Brazzi (comte Torlato-Favrini)

Premier visionnage: Monte-Carlo TMC

Film de Joseph: Cléopâtre

Film avec Ava: Pandora

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Commentaires
L
J'ai vu "Cléopâtre" récemment alors autant continuer sur ma lancée avec ce film :-)
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I
Un film "tout en images" sur mon blog...<br /> <br /> Quant au film, il reflète le tempérament de la star... une envie de vie de bohême. Cette vie, elle la trouvera enfin en Espagne au milieu des années 50, et elle s'y épanouira comme une fleur au soleil !
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R
C'est fou mais je pense comme Girliecinéphilie! Je n'avais pas adoré ce film mais aimé l'histoire mélodramatique. Je n'ai jamais vraiment été fan d'Ava non plus.<br /> <br /> Je pense que je serais déçue si je le revoyais.<br /> <br /> Bisous
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G
Je me souviens avoir vu ce film assez jeune, et il ne m'avait pas complètement séduite, peut être trop romanesque à mon goût. A vrai dire, je crois n'avoir jamais été très fan d'Ava en tant que comédienne, qui pour moi a toujours eu un petit côté factice.<br /> <br /> Mais ça vaudrait la peine de le revoir pour me faire une nouvelle opinion
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R
ça fait un moment que je veux voir ce film.<br /> <br /> Mon film préféré est "Eve", et j'aime qu'il soit verbeux. On verra si j'aime autant pour celui là.<br /> <br /> Bisous à toi et merci!
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