Entre Ava Gardner et l'Espagne, c'est une affaire qui roule. Pour l'amour d'un torero fameux nommé Luis Miguel Dominguin, la star s'installe en pays ibérique en 1955. Cette passion pour l'Espagne date à peu près de l'époque où elle tourna, en décors naturels, Pandora, puis, trois ans plus tard, la Comtesse aux pieds nus. Et, il est vrai, on ne peut imaginer pays s'harmonisant mieux avec le tempérament volcanique et passionné de Miss Gardner. Pandora sera son premier vrai triomphe personnel: il lui ouvre les portes de la mythologie féminine hollywoodienne et l'assoit définitivement dans la galaxie des stars inaccessibles.

face à la mer

L'histoire de Pandora est le mélange de deux mythes: Pandore, bien sûr, première mortelle créée par les dieux pour embêter Prométhée et Épiméthée, et le Hollandais volant, histoire d'un gars condamné à errer pour toujours sur son bateau fantôme. L'alchimie des deux eut pû être catastrophique: elle est, au contraire et de façon surprenante, presque évidente. Placer l'intrigue dans les années 30, en Espagne, faire de Pandore une chanteuse américaine du nom de Pandora Reynolds se jouant des hommes et de la vie, et du Hollandais volant un homme à la recherche d'une femme prête à mourir pour lui permet de dédramatiser le poids de ces deux mythologies. Pendant ce temps, l'esprit du spectateur vagabonde...

Pandora (Ava Gardner) dédaigne les hommes et l'amour terrestre. Non par fierté, mais par ennui, par envie de quelque chose de plus haut. Un homme se tue pour elle, elle donne sa main par désinvolture à un pilote de course, un torero lui court après, mais rien, que de l'ennui dans son coeur. Et, un jour, dans le port d'Esperanza, un voilier apparaît. Pandora nage jusqu'à lui, nue. Elle y rencontre un homme, un Hollandais solitaire du nom d'Hendrick Van der Zee (James Mason) qui semble l'attendre. 

Pandora et Hendrick

Albert Lewin, esthète d'une espèce rare à Hollywood (on lui doit le Portrait de Dorian Gray), irise sa star Ava de mille couleurs: jaune d'or, bleu d'outre-mer, rouge corrida, vert émeraude, gris perle: toute la gamme chromatique est sollicitée pour faire de Pandora un objet à nul autre pareil. Face à cet océan de couleurs vives illustrant la force de vie, James Mason reste dans les tons sombres: marron franc, bleu sombre, rouge bordeaux. Seul son regard, chargé du poids des ans, braque tous ses (discrets) feux sur LA femme. Autour, la mort rôde, tout près. Symbolisée par une corrida qui finira dans le sang (pas celui du taureau!), une gitane qui tire les mauvaises cartes, un suicide, une course mortifère et des promenades autour de statues païennes, elle aura son dû. Et pendant ce temps, sur une terrasse dominant le port d'Esperanza, Geoffrey Fielding, archéologue ami, continue à méditer sur les mythes anciens qui ont bâti ce monde.

affiche Pandora

PANDORA (PANDORA AND THE FLYING DUTCHMAN)

MGM, 1951

Réalisation: Albert Lewin

Photographie: Jack Cardiff

Distribution: James Mason (Hendrick Van der Zee), Ava Gardner (Pandora Reynolds), Nigel Patrick (Stephen Cameron), Sheila Slim (Janet), Harold Warrenberg (Geoffrey Fielding), Mario Cabré (Juan Montalvo)

Premier visionnage: Cinéma de minuit

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