Deux rouquines dans la bagarre, d'Allan Dwan (1956): attention aux voleuses de couleur
Deux rouquines dans la bagarre est un film assez singulier. Un film noir, certes, mais dans un éclatant Technicolor. Deux soeurs, dont on ne sait si elles sont rivales ou si elles s'épaulent. Un premier rôle masculin inconnu (John Payne) assez peu sympathique, qui prend la place d'un caïd sans qu'on sache trop pourquoi. Et une fin, disons, surprenante!
À la sortie d'une prison pour femmes, June Lyons (Rhonda Fleming) attend sa soeur, Dorothy (Arlene Dahl). À leur insu, elles sont surveillées par Ben Grace (John Payne). June travaille pour un candidat à la mairie; elle héberge sa soeur, mais de façon discrète, car... c'est une voleuse! Très peu de temps après leur installation, Ben s'impose chez June pour lui montrer ses photos, et la faire chanter. Parallèlement, Ben a ses entrées chez le caïd de la ville, Solly Caspar. À force de graisser les bonnes pattes, le patron de June est élu à la mairie, et Ben récupère les affaires illégales de la ville, tout en entamant une liaison avec June (qui ne se doute pas de ses activités louches). Et pendant ce temps, Dorothy se fait à nouveau coincer pour vol à l'étalage...
Deux rouquines dans la bagarre m'a rappelé Traquenard (ici), pour deux raisons: c'est un film bien noir dans des couleurs chatoyantes; et les méchants comme les gentils sont de moins en moins dicernables - les gentils basculent, les méchants commencent à être montrés irrécupérables pour la société, quoi qu'il arrive. Allan Dwan est un vieux de la vieiller: 400 films au compteur, n'allez pas embêter quelqu'un qui connait son métier. Le film, tout en ellipses, en coupures saccadées, en dialogues réduits à l'essentiel et en gestes minimales, donne un ensemble assez stupéfiant. Le final, notamment, est grandiose: cependant, jusqu'au mot Fin, on doute de l'issue de la confrontation!
Les rouquines, il n'y a pas à dire, sont flamboyantes: Rhonda Fleming, une vraie bombe atomique, avec un visage incomparable, des jambes de rêves, une garde-robe à tomber (je veux tout!), hérite du seul personnage "équilibré" du film. Protectrice envers sa soeur, loyale tant que possible au maire, mais succombant à la tentation du voyou. Arlene Dahl, plus rousse que Rhonda mais d'une beauté moins, disons, évidente, tout aussi manucurée, coiffée et apprêtée que sa soeur de l'écran, campe un personnage plus ambivalent: Dorothy est une kleptomane, doublée d'une nymphomane. À la frontière de la provocation et de la névrose, c'est le personnage le plus intéressant du film.
Laissez-vous donc tenter par ces deux rouquines, ces décors incroyables qui sont presque des personnages animés de l'intrigue, et, surtout, prenez le temps de savourer ce film: son tempo piano n'est pas le moindre de ses charmes.
DEUX ROUQUINES DANS LA BAGARRE (SLIGHTLY SCARLET)
RKO, 1956
Réalisation: Allan Dwan, d'après le Bluffeur de James Cain
Photographie: John Alton
Distribution: John Payne (Ben Grace), Rhonda Fleming (June Lyons), Arlene Dahl (Dorothy Lyons), Kent Taylor (Franck Jansen), Ted de Corsia (Solly Caspar)
Premier visionnage: Cinéma de minuit
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