Traquenard, de Nicholas Ray (1958): l'avocat véreux et la danseuse
Traquenard est le dernier grand succès de Robert Taylor, ainsi que son dernier film pour la MGM. Entré dans la firme du lion en 1934, il la quitte après plus de vingt ans de bons et loyaux services avec ce bijou du film noir. Il y partage l'affiche avec une Cyd Charisse toute en jambes. Pour la danseuse de rêve de Chantons sous la pluie, c'est aussi son dernier film pour la MGM, mais pas son dernier succès: Quinze jours ailleurs, quatre ans plus tard, est son chant du cygne. Le film de Nicholas Ray, noir mais en Technicolor, policier mais avec des numéros de danse, fait date dans l'histoire du cinéma: il inspira une nouvelle façon de raconter les histoires de gansgters, plus sombre, plus violente, moins manichéenne.
Années 30. Tommy Farrell (Robert Taylor) est un avocat boiteux qui défend uniquement les gangsters de la ville de Chicago et notamment le plus célèbre d'entre eux, Rico Angelo (Lee J. Cobb). À l'occasion d'une soirée chez le malfrat, il fait la connaissance d'une danseuse, Vicky Gaye (Cyd Charisse), payée, comme ses copines de cabaret, pour agrémenter la soirée de leurs jolis visages. L'un des bras droits d'Angelo, Louis Canetto (John Ireland), serre d'un peu trop près Vicky; Farrell s'interpose et la ramène chez elle. Une liaison s'ensuit entre les deux personnages, chacun lié au milieu: Farrell par son client, Vicky par son job de danseuse dans la boîte d'Angelo. On reste dans le statu quo jusqu'à ce que Rico Angelo demande à son avocat de défendre l'un de ses associé, Cookie La Motte, une vraie brute sanguinaire et associale. Farrell refuse; Angelo le menace alors de représailles envers Vicky.
Dans Traquenard, il y en a pour tous les goûts: les filles fondent pour la prestance et les yeux de Robert Taylor, qui n'ont jamais été aussi bleus; les garçons bavent sur les interminables jambes de Cyd Charisse et remarquent que son visage était, lui aussi, très agréable. En revanche, les costumes et les coiffures ne sont pas vraiment années 30: Cyd Charisse danse en body, or on n'a jamais vu Ginger Rogers ou Ruby Keeler, danseuses stars de l''époque, montrer davantage que leurs genoux. Malgré ces petits anachronismes, Traquenard est un modèle du genre. Le rouge vif de la robe de Vicky répond au noir du costume de Farrell; à la lutte de Farrell contre Cookie La Motte répond la danse tribale exécutée par Vicky; à la loyauté d'Angelo envers son avocat répond... le respect que Farrell a pour lui, en souvenir d'une enfance où le futur gangster le sauva d'une bande de voyous. Bref, comme le dit si bien Patrick Brion, Traquenard offre un résultat prodigieux, celui d'un film noir en couleurs, doublé d'un drame romanesque et saupoudré de numéros de danse. Je regrette de ne pas proposer davantage d'images: il en existe très peu, et pas toujours de bonne qualité.
TRAQUENARD (PARTY GIRL)
MGM, 1958
Réalisation: Nicholas Ray
Photographie: Robert J. Bronner
Distribution: Robert Taylor (Tommy Farrell), Cyd Charisse (Vicky Gaye), Lee J. Cobb (Rico Angelo), John Ireland (Louis Cannetto)
Premier visionnage: Grand Action
Films avec Robert: Ivanhoé