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Un certain cinéma
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9 février 2017

la Vérité, d'Henri-Georges Clouzot (1960): une fille libre face à ses juges

1960. Aux assises de la Seine comparaît Dominique Marceau, jeune fille blonde sans profession, pour le meurtre de son amant Gilbert Tellier. Défendue par un vieux routier des assises, jugée par une cour et un jury composés d'hommes de trois fois son âge, Dominique raconte l'histoire de sa vie. Et c'est moins les motifs de son geste que sa liberté d'allure qui est au centre des débats.

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On peut simplement résumer la Vérité comme un affrontement entre jeunesse et vieillesse - du moins le monde des adultes installés. On aurait à craindre l'illustration de cette fameuse jeunesse libre de Saint-Germain-des-Prés, tellement ressassée, honorée et disséquée qu'aujourd'hui elle ne choque personne; on a même du mal à croire à son défi des conventions tant elle paraît lisse. Eh bien, dans la Vérité, on confronte le monde des adultes respectables, établis, ayant leur vie derrière eux, dans la salle d'une cour d'assises, à un élément de cette jeunesse libre, représenté par la plus libre et la plus pourchassée des comédiennes de l'époque, Brigitte Bardot.

Comment est-elle, cette jeunesse que les juges ne comprennent pas, qu'ils considèrent comme veule, oisive, de mauvais aloi? Elle s'ennuie. "Elle ne croit plus à la morale hypocrite de nos parents". "Je ne voie pas ce qu'il y a d'honnête à se faire épouser". "Vous fréquentez les cafés. Vous allez jusqu'à trois fois par semaine au cinéma. Cette vie déréglée aboutit à sa conséquence logique: vous prenez un amant." Que fait-elle, cette jeune femme montée à Paris avec sa soeur? "Moi, je fais... un peu rien". 

les deux amants (à la ville comme à l'écran)

Dominique, libre, blonde et cheveux au vent, suit Annie, sa soeur, brune, violoniste, cheveux lissés et bien sous tous rapports. Annie a un camarade, Gilbert Tellier, le meilleur élément du Conservatoire de musique, où elle poursuit ses études. Gilbert, après avoir vu Dominique, la poursuit. Elle s'amuse, poursuit ses aventures, cède. C'est moins le meurtre de Gilbert que sa vie à elle qui intrigue les juges.

Il n'y a pas à dire: en 1960, la qualité des dialogues était au rendez-vous. C'est un festival de rhétorique, de rosseries, d'épigrammes et de saillies particulièrement inspirées, notamment dans la bouche des deux avocats, Paul Meurisse pour la partie civile, Charles Vanel pour la défense. Paul Meurisse est odieux, comme d'habitude, voire ignoble avec Dominique ("ce n'était jamais que la troisième ou quatrième tentative de suicide! décidément, vous ne réussissez que vos assassinats). Charles Vanel, père tranquille, sans illusions sur la personnalité de sa client ("une sotte qui a cru à un rêve"), solide comme un roc, ferraille à la fois avec les préjugés des juges et ceux des jurés. Le président, Louis Seigner, est tout aussi dubitatif que scandalisé par la vie de l'accusée. 

sous la chemise à carreau, Jacques Perrin

Et la bande de Dominique? c'est l'occasion de voir des acteurs parfois oubliés, souvent à leurs débuts, tous admirables de justesse et de facilité: Marie-José Nat, jeune première de l'époque, Jean-Loup Reynold, visage taillé à la serpe, André Oumasky, jeune patron de boîte de nuit embauchant Dominique, le tout jeune Jacques Perrin (avant Demy!), le non moins jeune Claude Berri... et Sami Frey, âgé de 20 ans, incarnant le fameux Gilbert, déjà beau comme un dieu. 

Toutes les apparences sont contre Dominique. Elle est seule, face à une cour d'hommes. Son explication avec sa soeur est terrible. Sa rébellion face à la Cour est mémorable. La Vérité, laquelle? celle de Dominique, de ses amis, de Gilbert, de la Cour, de l'avocat de la partie civile, de l'avocat de la défense? Faites-vous votre idée en regardant un noir et blanc toujours actuel.

affiche

LA VÉRITÉ

Raoul Lévy, 1960

Réalisation: Henri-Georges Clouzot

Photographie: Armand Thirard

Distribution: Brigitte Bardot (Dominique Marceau), Charles Vanel (Maître Guérin), Marie-José Nat (Annie Marceau), Sami Frey (Gilbert Tellier), Fernand Ledoux (le médecin légiste), Paul Meurisse (Maître Éparvier)

Premier visionnage: Arte

Films avec Brigitte: le Mépris, En cas de malheur

Films avec Sami: César et Rosalie

Films avec Charles: la Belle équipe

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Commentaires
L
Je me disais récemment qu'il faudrait que je vois plus de films avec Brigitte Bardot car je n'ai vu qu'un je crois. Ce film en sera l'occasion !
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P
Excellente initiative que de mettre en lumière ce Clouzot de derrière les fagots !<br /> <br /> Le duel Meurisse/Vanel est un grand moment, avec entre les deux la bombe BB dans un rôle assez proche de "en cas de malheur".
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R
J'adore ce film, le message qu'il fait passer. C'est la meilleure prestation de BB :)!<br /> <br /> Bisous à toi et à plus sur nos blogs respectifs!
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G
Qu'elle est belle ta chronique! Ca me donne vraiment envie de découvrir ce film malgré l'énervement que me procure BB à chaque fois que je la vois au cinéma (je ne sais pas pourquoi, si c'est la voix, le mythe, mais quand je vois BB dans un film, je n'arrive pas à voir le personnage). Merci de m'aider à surmonter mes a-priori!
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