L'homme qui tua Liberty Valance, de John Ford (1962): deux cow-boys insubmersibles pour un voyou
Dans l'optique de mes échanges avec Girlie Cinephilie, une blogeuse d'Hello Coton (avec un très chouette site), j'ai regardé un western qui attendait sagement d'être visionné par mes yeux bleus: L'homme qui tua Liberty Valance, grand classique de la culture bottes et éperons. Bon, il avait été enregistré en français, car France 3, par souci à l'égard de ses téléspectateurs âgés, bloque les films sous-titrés lors des séances de l'après-midi. Peu importe: j'ai vu, et j'ai aimé! Ça ne deviendra pas mon genre favori, mais j'ai bien apprécié cette approche presque psychologique de l'Ouest, avec deux acteurs au sommet de leur art et bien dans leurs bottes (!). De plus, ne connaissant pas l'histoire, j'ai eu un vrai effet de surprise lors de la fameuse scène de la mort de Liberty Valance. C'est fin, c'est subtil, et surtout, c'est joué sans effet de manche et sans musique pathétique: j'adore.
Donc l'histoire, pour ceux qui comme moi ne regardent pas les westerns: le sénateur Ransom Stoddart (James Stewart) revient avec son épouse Alice (Vera Miles) dans la ville de Shinbone pour enterrer Tom Doniphon (John Wayne). Questionné par la gazette locale sur l'identité de ce défunt qui l'a fait revenir de Washington uniquement pour sa mise en bière, Rance raconte son histoire quant, jeune avocat fraîchement diplômé, il débarque dans cette ville poussièreuse de l'Ouest. Roué de coups de fouet par Liberty Valance (Lee Marvin), un bandit mal embouché qui attaque la diligence qu'il prenait, Rance se jure de mettre Liberty en prison, selon la loi. Ramené en ville par Tom Doniphon, le meilleur tireur du coin, il paie ses soins et sa pension en faisant la plonge chez les restaurateurs qui l'ont soigné, tout en donnant des leçons d'alphabétisation aux illettrés. Liberty Valance continue de semer le désordre et la terreur dans la région; Tom est partisan de la gâchette, quand Rance ne jure que par la loi, il est vrai bien mal incarnée par le shérif, couard comme pas deux.
Lee Marvin a vraiment la tête de l'emploi, c'est peu de le dire; pas étonnant qu'il ait fait des westerns sa spécialité. On rencontre également d'autres fidèles du genre: John Carradine, Lee Van Cleef, Andy Devine et Woody Strode (dont l'authentique patronyme est Woodrow Wilson Woolwine Strode!). Vera Miles, que je n'ai pas reconnue, est également une figure familière du genre. Et que dire de John Wayne et de James Stewart? Réunis dans un même film, c'est extraordinaire. Mais encore plus extraordinaire, c'est que chacun joue pour ce film le rôle qui le symbolise aux yeux du public: John Wayne est le cow-boy excellent tireur, à la gâchette facile, ne croyant pas aux tribunaux mais tout de même du côté de la loi, avec un côté bourrin sensible. James Stewart, lui, est à l'image des idéalistes qu'il interprète chez Capra: il joue les bons, les purs, les intègres. La rencontre des deux genres est savoureuse, parfaitement équilibrée. Aucun des deux ne tire la couverture à soi, chacun répond à l'autre; et au final, c'est la loi qui gagne. Cette brute épaisse de Liberty Valance meurt, et cette question reste, à ceux qui ne connaissent pas l'histoire: à votre avis, lequel des deux l'abat?
L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE (THE MAN WHOT SHOT LIBERTY VALANCE)
Paramount, 1962
Réalisation: John Ford
Photographie: William H. Clothier
Distribution: John Wayne (Tom Doniphon), James Stewart (Ransom Stoddart), Vera Miles (Alice), Lee Marvin (Liberty Valance)
Premier visionnage: France 3
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