César et Rosalie, de Claude Sautet (1972) : une femme, deux hommes, deux possibilités
César et Rosalie, film phare des années 70 et de la filmographie de Claude Sautet, reste encore aujourd’hui un témoignage privilégié de l’époque pendant laquelle il fut tourné. Après 68, les couples se font, se défont, ont une vie de famille sans être marié (grande nouveauté), les sexagénaires se remarient aussi sans avoir été veufs… bref, la libéralisation des mœurs est passé par là. Pour l’illustrer, un plateau de rêve : Yves Montand, Romy Schneider et Sami Frey. En embuscade, des petits nouveaux qui feront parler d’eux, Bernard Le Coq (qui a en tout et pour tout une ligne de dialogue) et Isabelle Huppert, toujours aussi souriante.
C’est l’histoire d’un dessinateur de bande dessinée, David (Sami Frey, beau comme un dieu), qui revient, dans sa petite voiture jaune, au pays. Il se rend aux troisièmes noces de la mère d’une certaine Rosalie (Romy Schneider), qu’il a bien connue autrefois. Rosalie est en ménage avec César (Yves Montand, qui n’a jamais aussi bien fait le singe), un entrepreneur hâbleur de la ferraille, qui s'est fait tout seul. David dit à César qu’il aime Rosalie. Rosalie revoit David. César, fou d'amour pour Rosalie et maladivement jaloux, chasse Rosalie. Rosalie part avec David, à Sète. César les retrouve, tout penaud. Et après ?
Difficile de ne pas penser à Sérénade à trois (ici) en regardant César et Rosalie. Deux hommes, une femme, un ménage à trois ? Oui, dans le film de Lubitsch, où Miriam Hopkins s’offre le luxe… de ne pas choisir entre Fredric March et Gary Cooper. Elle les garde tous les deux. Non, dans le film de Sautet : Romy Schneider navigue de l’un à l’autre, en se laissant porter. Mais quand César est prêt à tout pour la garder près de lui, même la violence, même les mensonges, David, lui, la laisse libre; et c’est lui qui, en voyant César reprendre du terrain, s’échappe. « David, César sera toujours César, et toi tu seras toujours David, qui m’entraîne sans m’emporter, qui me tient sans me prendre, et qui m’aime sans me vouloir », écrit Rosalie.
Contre toute attente, une amitié naît entre les deux hommes, une fois la femme partie. Nos deux compères de Sérénade à trois étaient déjà amis avant de rencontre Gina ; César et David, eux, le deviennent une fois que Rosalie s’enfuit. César, très malheureux, blessé, désespéré, ne semble pas surmonter la perte de celle qu’il aime. David, lui, semble planer sur les sentiments qui s’agitent autour de lui. Aussi calme que César est remuant, aussi posé que César est expansif, les deux hommes se complètent. Peut-être est-ce pour cela que Rosalie n’arrive pas à faire un choix.
Pour finir, César et Rosalie, ce sont les années 70 comme si vous étiez : voitures, costumes, papier peint et moquette horribles, cigarettes à tous les étages, zéro ceinture de sécurité, œufs durs et téléphone au comptoir, cendriers Gitane… et place des femmes à la cuisine, faut pas charrier. Elles ont le droit de vote, qu’est-ce qu’elles veulent de plus ? Rosalie sert les verres à la partie de poker entre hommes se déroulant dans son appartement, comme une hôtesse de dancing ; on commande plus qu’on ne demande à Coline, femme du premier mari de Rosalie, de faire une omelette, alors qu’elle dort encore ; et on demande, voire on ordonne à Rosalie, alors qu’elle est dans un endroit où elle n’a jamais mis les pieds, de faire du café pour ces messieurs. Et elle y va. Mais rebelle-toi, Rosalie!
CÉSAR ET ROSALIE
Michelle de Broca, 1972
Réalisation : Claude Sautet
Photographie : Jean Boffety
Distribution : Yves Montand (César), Romy Schneider (Rosalie), Sami Frey (David), Bernard Le Coq (Michel), Umberto Tozzi (Antoine)
Premier visionnage: France 3
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