Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un certain cinéma
Pages
Archives
Newsletter
29 octobre 2014

Drôle de drame, de Marcel Carné (1937): "à force d'écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver".

Drôle de drame est le film de Marcel Carné qui m'a fait le plus rire, plus qu'Hôtel du Nord; cette adaptation d'une pièce de théâtre burlesque de Joseph Storer Clouston est un festival de drôlerie, d'absurde et de saillies spirituelles. Servi par des acteurs venant tous de la scène (Simon, Rosay, Barrault, Jouvet, Aumont), Drôle de drame est le film de Carné le mieux maîtrisé en terme de tempo comique et de dialogues étourdissants. Le point de départ de l’intrigue est un quiproquo presque tragique: une femme refusant d’avouer devant son cousin que ses gens l’ont quittée, et un évêque persuadé que ledit cousin - l'époux de Madame - a assassiné sa malheureuse femme. Là-dessus se greffe de multiples situations, toutes plus cocasses les unes que les autres. La truculence des comédiens doublée des dialogues à point de Jacques Prévert font de Drôle de drame un film à voir et à apprécier sans modération. On peut encore ajouter 10 bonnes raisons à cela (plus une):

dans la vraie vie, les deux acteurs ne pouvaient pas se piaffer.

  1. Louis Jouvet impayable en évêque de Bedford, faisant la morale à tous mais gardant précieusement sur lui une brochure dédicacée à son intention par une danseuse légère.
  2. « Alors c’est un système systématique ? Vous refusez systématiquement de répondre ? » (l’inspecteur à Eva)
  3. Le mignon petit couple formé par le laitier Billy (Jean-Louis Aumont, œil frisé, cheveux ondulés et sourire en coin) et la demoiselle de compagnie Eva (Nadine Vogel, blondes, yeux clairs, avec un air spirituel, innocent et coquin à la fois).
  4. « Eva, n’oubliez pas, je vous aime. Eva, si vous voulez qu’on s’aime, il faut m’aimer » (Billy)
  5. L’amour immodéré que développe brusquement William Kampf (Barrault), le tueur de bouchers, la terreur des abattoirs, pour Margaret Molyneux (Françoise Rosay, impériale), maîtresse-femme détestant les fleurs.
  6. « Ces fleurs, ces arbres, ces plantes ! Moi je déteste toutes les fleurs. Le moindre bouquet de violettes me donne la nausée » (Mme Molyneux)
  7. Les dialogues de sourds entre l’inspecteur de Scotland Yard – « je ne me laisse pas faire par les événements ! j’attends qu’ils arrivent ! » - et l’évêque de Bedford – « puisqu’il vous semble, faites comme bon vous semble ».
  8. Michel Simon, botaniste lunaire totalement dépassé par les événements, qui se retrouve assassin de sa femme sans le savoir alors qu’il ne rêve que de l’amour d’Eva et de soigner ses mimosas – au sujet desquels il a écrit un fort remarquable ouvrage, le Mimétisme du mimosa, chaudement recommandé à son public par son cousin Bedford.
  9. « Il semblerait que vous pourriez montrer un peu plus de déférence envers moi, inspecteur, en raison du deuil qui me frappe, et aussi en raison du costume que je porte. Je suis en robe de chambre, il est vrai, mais n’oubliez pas que vous parlez à l’évêque de Bedford. » (Bedford à l'inspecteur).
  10. La tante Annabelle Macpherson, totalement barrée, mais ayant la grande qualité d’avoir un héritage à léguer à sa mort, et qui déteste toutes sa famille.
  11. Enfin, la famille de l’évêque : dix enfants à table, plus un onzième amené par un policier, et un douzième dans les bras de sa mère. Madame se plaint d'ailleurs de la présence des policiers chez eux: « Enfin Archibald, nous n'avons plus d'intimité...»

Mme Molyneux et son inattendu soupirant, William, qui ne veut l'appeler que Daisy

Petit bonus : le fameux dialogue entre l’évêque et son cousin, quand celui-ci s’efforce de justifier l’absence de Margaret et que Bedford est de plus en plus suspicieux :

-       Bizarre, bizarre, se dit Bedford à lui-même.

-       Qu’a-t-il ? demande Molyneux

-       Quoi ?

-       Votre couteau.

-       Comment ?

-       Vous regardez votre couteau et vous dites « bizarre, bizarre ».

-       Moi j’ai dit « bizarre » ? comme c’est étrange.

-       Je vous assure, mon cousin, que vous avez dit « bizarre, bizarre ».

-       J’ai dit « bizarre » ? Comme c’est bizarre.

affiche Drôle de drame

DRÔLE DE DRAME

Pathé, 1937

Réalisation: Marcel Carné, d'après une pièce de Storer Cluston

Photographie: Eugen Schüfftan, Louis Page et Henri Alekan

Distribution: Françoise Rosay (Margaret Molyneux), Michel Simon (Irwin Molyneux), Jean-Pierre Aumont (Billy), Louis Jouvet (l'évêque de Bedford), Nadine Vogel (Eva), Alcover (l'inspecteur), Jean-Louis Barrault (William Kampf, le tueur de bouchers)

Premier visionnage: Arte

Films avec Michel : Au bonheur des dames, le Bonheur

Publicité
Commentaires
L
qui dit à force de dire des choses horribles...
Répondre
G
Je l'ai vu il y a bien longtemps, tu me donnes envie de replonger dans le Carné!
Répondre
R
J'avais adoré Hôtel du Nord, je pense que j'ai de nombreux films de Carné à voir dont celui là.
Répondre
Publicité