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Un certain cinéma
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24 juin 2015

Au sujet de Sissi, vue par Ernst Marischka

Récemment, Electra, du blog The Flying Electra, évoquait ses films d'enfance; en réfléchissant aux miens, j'oubliai de mentionner Sissi. Coïncidence également, je relis depuis plusieurs semaines tous les livres et ouvrages que je possède au sujet de l'impératrice Élisabeth. J'ai également regardé le Ludwig de Luchino Visconti, puis, par plaisir coupable, l'indémodable Sissi, si joliement servi par Romy Schneider.

Est-il nécessaire d'écrire le synopsis? En 1853, Élisabeth en Bavière, dite Sissi (Romy Schneider), jeune princesse élevée sans contrainte, se rend à Ischl en compagnie de sa mère, la duchesse Ludovica (Magda Schneider), et de sa soeur, Hélène (Uta Franz). Cette dernière a été choisie par sa tante, l'archiduchesse Sophie (Vilma Degischer), comme future épouse de son fils (donc le propre cousin de la jeune fille), l'empereur François-Joseph (Karl-Heinz Böhm). Contre toute attente, l'empereur tombe amoureux de Sissi, qu'il croise par hasard lors d'une promenade, sans savoir qui elle est.

la coiffure du personnage que je préfère

Ernst Marischka a véritablement réussi un tour de force avec ce film évoquant les fiançailles idylliques de l'impératrice Élisabeth: non seulement il impose définitivement Sissi dans l'imaginaire collectif (grâce, notamment, à d'annuelles rediffusions du film à la télévision), mais il en fait une figure éternellement ingénue, joufflue et malicieuse, éprise de toutes ses forces de son jeune empereur de cousin et mari (ou l'inverse). Avant Sissi, l'impératrice n'était plus connue et appréciée que de certains intellectuels, rarement autrichiens, souvent narcissiques, parfois nihilistes: Maurice Barrès (Amori et Dolori Sacrum), Émile Cioran (entretien dans Vienne, l'apocalypse joyeuse), Bruno Bettelheim, Paul Morand (la Dame blanche des Habsbourg). Ce que chacun retenait de l'impératrice, outre son refus viscéral de l'ordre établi, était son extrême nervosité, son incapacité à se stabiliser, ses immenses capacités intellectuelles gâchées par une sorte d'oisiveté mal assumée. En somme, elle était l'illustration, à son corps défendant, d'une certaine "nervosité fin de siècle" caractéristique de l'empire austro-hongrois. Il est d'ailleurs significatif que M. Chaline, mon respecté professeur d'histoire contemporaine, ouvrit le chapitre de son cours consacré à l'empire des Habsbourg pendant la Belle Époque par le récit de l'assassinat de l'impératrice, symbole et symptôme de cet empire tout à la fois foisonnant d'idées et moribond.

ah, la scène fatale!

Le récit que livre Marischka des fiançailles de Sissi résistent bien au temps: que ce soit dans le tempo du film, le jeu des acteurs - sans prétention "de vérité" aucune -, les décors, somptueux, les costumes d'époque, le tout assaisonné d'un petit suspens (Franz découvrira-t-il l'identité de "l'inconnue de Possenhoffen"?), d'un petit comique (le colonel Bockl) et des valses de Johann Strauss. Tout fonctionne, car tout est vrai (à l'exception peut-être des véritables sentiments de l'authentique Élisabeth), en tous cas conforme aux livres d'histoires populaires. On peut souligner que le cinéaste poussa le perfectionnisme jusqu'à filmer son oeuvre en 1954, soit exactement un siècle après les impériales fiançailles! Une fois le film sorti, l'image ainsi rajeunie de l'impératrice (et éloignée de tous ses tourments intérieurs) donnera naissance à une incroyable littérature romanesque et fantaisiste à laquelle se réfèrent encore quelques biographes actuels se présentant comme "sérieux".

Aussi, pourquoi bouder son plaisir? Si Sissi reste constamment rediffusé, c'est bien que, contrairement à quantité de films français destinés à la jeunesse, il n'a pas vieilli. Ernst Marischka n'a d'autre prétention que de faire rêver les spectateurs, grands ou petits. Et, peut-être aussi, de rendre à l'Autriche la figure de son impératrice, une figure bien différente de celle qu'elle fut en réalité, et dont ses anciens sujet pussent enfin s'enorgueillir - ceux-là même qui détestèrent cette impératrice si peu conformiste. Laissons-nous donc emporter sans regrets par la juvénile impératrice aux robes chamarrées et aux coiffures impeccables (j'aurais tué, adolescente, pour avoir sa célèbre couronne de tresses!); pour découvrir la véritable Élisabeth, plutôt que les auteurs disant faire preuve de rigueur historique mais n'allant jamais au-delà de la façade romanesque - et fausse - construite par Marischka (Jean des Cars ou Nicole Avril, pour ne citer qu'eux), il suffit de se plonger dans les livres de Brigitte Hamann (Élisabeth d'Autriche, éd. Fayard) ou de Catherine Clément (spécialement la Valse inachevée, éd. Calmann-Lévy, une vraie merveille). Et de regarder Ludwig, film que Luchino Visconti consacra à Louis II de Bavière où l'impératrice apparaît, tourmentée et revêche, sous les traits de Romy Schneider, plus belle encore dans sa maturité.

affiche Sissi. Cadeau!

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Commentaires
E
Merci ! Oh oui Sissi, je l'avais vu enfant également (sans doute deux fois) je me souviens uniquement du premier (de leur rencontre et la fameuse scène (ta photo) où Hélène croit recevoir les fleurs et il choisit Sissi). <br /> <br /> Ton billet est en tout cas très constructif, et ce n'est que plus tard (en voyant un doc sur Arte) que j'ai découvert leur fin tragique.
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G
Personnellement, je n'ai jamais été une grande fan de Sissi, enfant, malgré la belle présence de Romy Schneider. Je ne sais pas, peut être trop de valses et pas assez d'épées (Ah, la cape et l'épée, Le Bossu, Zorro, toute mon enfance...)
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R
Dans le genre saga, il y a aussi les "Angélique". Ces films font rêver tu as raison et c'est toujours un plaisir de les revoir :).
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