Les Choses de la vie, de Claude Sautet (1970): cigarettes à tous les étages
Il y a quelques mois, Arte programmait une rétrospective Claude Sautet. Ce fut pour moi l'occasion de découvrir certains de ses films, tels que Mado (qui ne vaut pas un clou et est déprimant au possible) et le film dont il est question dans ce message, les Choses de la vie. Pour une cinéphile avertie, ce film est déjà connu sans avoir été vu: je connais la musique, je sais que Piccoli et Schneider en sont les héros, qu'il est question d'accident de la route, et que ce film, le premier de la collaboration entre Sautet et Schneider, marque le début du règne de l'actrice autrichienne en tant que symbole de la femme française des années 70.
Le sujet du film est très simple: un homme roule à tombeau ouvert sur une départementale; un camion, qui cale, lui barre soudainement la route; l'homme ne peut l'éviter, sa voiture fait plusieurs tonneaux et va s'écraser contre un arbre. À partir de cet instant, on rembobine l'histoire, celle de Pierre (Michel Piccoli), architecte d'une quarantaine d'années. Il aime Hélène (Romy Schneider) et est divorcé de Catherine (Léa Massari), avec qui il a eu un fils. Pierre doit partir pour trois ans à Tunis en compagnie d'Hélène. Mais quand il s'agit de signer les papiers consulaires pour partir, Pierre se dérobe: il ne sait plus s'il est prêt à s'en aller, s'il le veut vraiment, s'il doit partir avec Hélène ou sans elle. Après une réception, le couple se dispute en silence dans sa voiture. Hélène rentre à l'appartement, Pierre décide de se rendre immédiatement à Rennes pour un rendez-vous. Il roule toute la nuit. Et, pendant cette nuit, sous une pluie battante, il évoque son indécision, sa vie, ses petits soucis et ses grandes craintes.
Il y a quelque chose qui frappe immédiatement une spectatrice des années 2010, à la vision des Choses de la vie: il n'y a pas un seul plan où les personnages ne fument pas. Ils fument tout le temps, même en dormant. Il ne me semble pas que, même dans mes films favoris américains des années 30 ou 40, il y ait autant de volutes de fumée. Remarquez, c'est pratique pour s'occuper les mains, et fumer une cigarette, ça peut être très glamour (Marlène Dietrich!); évidemment, Michel Piccoli qui fume ses gitanes, ça l'est beaucoup moins, glamour. Outre cet aspect très 70's, on remarque également les robes de Romy Schneider, signées Courrèges, qui n'ont pas tellement vieilli; la coiffure et le maquillage de Léa Massari, cheveux roux bombés et laqués, yeux noirs chargés de rimmel, bouche nue (et cigarettes longues); les voitures sans ceinture et les horribles papiers peints tout sombres des intérieurs. J'ai seulement une réserve sur la mise en pli de Romy Schneider, qui lui va beaucoup moins que celle qu'elle arbore dans César et Rosalie. La musique, signée Philippe Sarde, est enveloppante, et me fait monter à chaque fois les larmes aux yeux. Enfin, on voit dans Choses de la vie une galerie de seconds rôles bien connus de l'époque: Boby Lapointe (qui provoque indirectement l'accident de Pierre), Jean Bouise, Betty Beckers, Marie-Pierre Casey et Gérard Lartigau.
Ce qui est le plus impressionnant, c'est l'accident filmé au ralenti et en marche arrière: vu ainsi, il ne semble pas bien grave. Lorsque finalement, la narration intérieure de Pierre rejoint le moment où l'accrochage se produit, on voit ce dernier à vitesse réel et en marche avant: c'est très impressionnant. Pierre partira avec ses regrets, ses obsessions et, peut-être, le sentiment d'avoir bêtement raté quelque chose.
LES CHOSES DE LA VIE
Lira Films - Sonocam - Fida Cinematografica, 1970
Réalisation: Claude Sautet, d'après le roman de Paul Guimard (éd. Denoël)
Photographie: Jean Boffety
Distribution: Michel Piccoli (Pierre), Romy Schneider (Hélène) et Léa Massari (Catherine)
Premier visionnage: Arte
Films de Claude Sautet: César et Rosalie