Agent X-27, de Josef von Sternberg (1931) : Mata Hari à Vienne
Dans un souci de parallélisme parfait, le tandem Sternberg-Dietrich ripostait systématiquement à chaque nouveau film de Greta Garbo. Garbo, la Divine et l’Européenne, était déjà au firmament lorsque Dietrich débarque à Hollywood. L’ambition de la Paramount, avouée, était de faire de l’Allemande l’unique rivale de la Suédoise, estampillée MGM. Quand Garbo est la Reine Christine, Marlène devient l’Impératrice rouge. Quand Garbo est la Courtisane, Dietrich devient une Blonde Vénus, Quand Garbo tourne Romance, Marlène tourne la Femme et le pantin. Et quand Garbo se mue en Mata Hari, Marlène endosse le costume de l’agent X-27. Une réussite ? un résultat plutôt mitigé.
Vienne, 1915. Devant un hôtel miteux, un attroupement se crée suite à la mort – ou plutôt le suicide – d’une prostituée. Le chef de la police entend une jeune femme murmurer : « Je n’ai pas peur de vivre, et je n’ai pas non plus peur de mourir ». Interpellé, le policier la convoque et lui propose une mission : séduire un officier soupçonné d’être un espion à la solde des Russes. Après cette première mission, réussie, une seconde attend le nouvel agent X-27 : neutraliser le chef du premier officier.
Contrairement à Cœurs brûlés, son premier film américain avec Dietrich, Sternberg s’est laissé aller aux nombreux travers dans lesquels tombaient les réalisateurs du muet lorsque, brusquement, ils passaient à la réalisation d’un film parlant. Diction lente et pénible, plan inutilement ralenti, action languissante: le film se tire et se traîne. Marlène elle-même semble emprisonnée dans ce tempo qui ne lui convient pas. On ne retrouve le charme, le rythme saccadé qui faisaient le succès de Cœurs brûlés. Ici, Sternberg semble annoncer Shanghai Express : son héroïne, malgré le sens de l’humour qu’on lui devine, est comme figée dans une posture hiératique par son mentor. C’est dommage, car les bonnes répliques ne manquent pas, dans Agent X-27 ; mais, prononcé sur un temps d’oraison funèbre, elles tombent quasi toutes à plat.
Dans chaque film avec Marlène, il y a une histoire d’amour. Ici, on ne peut pas dire qu’elle tombe sous le sens. Maria Kolverer est chargée de séduire le lieutenant Kranau; les deux se cherchent, s’épient, se confrontent, et… quand l'espionne le remet aux autorités, elle lui permet finalement de s’évader. Ce qui causera sa perte. Mouais. On n’a pas vu la trace d’un amour naissant, mais si le scenario le dit…
Le plus beau moment, finalement, c’est la scène finale, celle où Maria se retrouve face au peloton d’exécution. Elle qui avait dit n’avoir pas peur de mourir le fera en crânant, les mains victorieusement posées sur les hanches. Sternberg veut tuer cette femme trop libre et, avec un bon vieux fond de misogynie décomplexé, annonce la couleur dès l’introduction : « l’agent X-27 aurait pu être le meilleur agent du monde… si X-27 n’avait pas été une femme ». Merci, M. Sternberg, pour cette très haute opinion de la gent féminine.
AGENT X-27 (DISHONORED)
Paramount, 1931
Réalisation : Josef von Sternberg
Photographie : Lee Garmes
Distribution: Marlène Dietrich (Maria Kolverer alias X-27), Victor McLaglen (lieutenant Kranau), Gustav von Seyffertitz (chef de la police secrète autrichienne), Warner Oland (colonel von Hindau), Lew Cody (colonel Kovrin), Barry Norton (le jeune lieutenant)
Premier visionnage: Cinémathèque française
Films de Josef: Coeurs Brûlés, Shanghai Express, les Espions s'amusent