Mae Murray, the Girl with the Bee-Stung Lips: vis ma vie comme une star de l'écran
Une fois que vous devenez une star vous l'êtes pour toujours. Cette maxime pleine de bons sens, c'est Mae Murray qui la prononça. Elle en fit son credo pour le reste de sa vie, alors même qu'elle tourne son dernier film en 1931 - elle est morte en 1985 -, qu'elle eut son dernier succès en 1925.
Née en 1889, Ziegfeld Girl de profession (le plus extraordinaire vivier de belles filles du muet), Marie Adrienne Koenig de son vrai nom, Mae est déjà une vedette de revue quand Adolph Zukor la remarque en 1915. Il la fait immédiatement signer chez Paramount, et Mae part sous le soleil doré de la Californie. Elle se sent immédiatement comme un poisson dans l'eau à Hollywood, adopte sa vie mondaine sans aucun problème et transporte facilement le mode de vie des stars de l'écran dans sa vie à elle. Célèbre pour sa bouche pincée (qui lui value son surnom), elle tourne des mélodrames somptueux, grands pourvoyeurs de spectatrices, comme Sweet Kittie Bellairs, Princess Virtue, Her Body in Bond, Delicious Little Devil, On With the Dance...
La vie privée de Mae n'est pas en reste! Une star, ça a plein de maris (exemple Gloria Swanson, grand modèle de l'époque), et autant qu'ils servent. Après un playboy sans envergure, Mae épouse celui qui la dirige le plus souvent, le réalisateur Robert Z. Leonard (ici, là, ici). À défaut d'enfant, le couple crée Tiffany, une société de production au service de l'éclat de la star. Dans le même temps, louée à la Metro, Mae obtient un vrai triomphe dans le populaire Peacock Alley (réalisé par... Leonard). Et, lorsque la Metro fusionne avec la Goldwyn et Louis B. Mayer, Miss Murray devient la star la plus importante du nouveau studio.
En 1925, c'est l'apothéose: elle est choisie pour tourner la Veuve joyeuse, somptueux mélodrame de plus de deux heures, dans lequel sa grâce de ballerine est particulièrement mise en valeur. Le réalisateur, le très controversé Erich Von Stroheim, joue avec une certaine perversité de son charme de poupée légèrement vulgaire. Le tournage fut d'ailleurs particulièrement houleux ; Mae traitait le réalisateur de "sale Hun". Ambiance... On ne peut pas dire qu'elle ait tort, Stroheim s'étant fixé pour but de se faire détester de toutes les actrices qu'il dirige. Mission accomplie! Le résultat est pourtant étourdissant, un succès pharaonique; et Miss Murray, alors au firmament des stars, ajoute le titre de princesse à son nom en épousant David Mdivani (pour voir la robe de Mae, une merveille années 20, son mari et ses témoins, c'est ici). Impérieuse - c'est bien le moins! -, elle commet ensuite l'erreur de refuser plusieurs scenarii qu'elle trouve indignes de son nouveau statut... et c'est le début de la fin.
Le passage au parlant de cette actrice très glamour fut, on s'en doute, catastrophique : deux films, au demeurant très honorables, de Lowell Sherman (Bachelor Apartment et High Stakes, 1931) révélent une piètre actrice aux trémolos et gesticulations estampillés muet. Elle se retire donc jusqu’en 1951, où elle reparaît (ce sera sa dernière prestation) dans Rudolph Valentino, le grand séducteur (Rudi, qu'elle a bien connu, était le témoin de son troisième mariage). Dans ses vieux jours, Miss Murray fredonnait dans les bars quelques notes de la fameuse valse de la Veuve joyeuse et insistait pour être appelé princesse Mdivani, même après son divorce, même à l'heure de sa mort, à la Motion Picture Country House and Hospital, la maison de retraite des comédiens. Avec le recul, il est certain que Miss Murray, glamour et star à l'extrême, fut la véritable source d'inspiration du personnage de Norma Desmond.