La Femme modèle, de Vincente Minnelli (1957): Bacall et Peck sont d'humeur printanière
Aujourd'hui, gros plan au sujet d'un film adorable découvert il y a peu: la Femme modèle, de Vincente Minnelli. Ne vous laissez pas abuser par son titre: la femme modèle est ici une modéliste (comme l'indique le titre original anglais, Designing woman), non une épouse parfaite. Il a également la particularité d'être l'une des rares films de Minnelli qui ne soit pas une comédie musicale (bien que certaines séquences dansées soient présentes) et de réunir dans une comédie légère deux acteurs pas franchement connus pour être détendus: Lauren Bacall et Gregory Peck.
Marc Hagen (Gregory Peck) est journaliste sportif, Marina Braun (Lauren Bacall) est modéliste. Les deux se rencontrent lors d'une soirée arrosée au Beverly Hills Hotel, en Californie. Après un quiproquo dû à une monstrueuse gueule de bois, Mark et Marina passent trois heures ensemble, puis trois jours. Finalement, après que Marc eut vu Marina engloutir une truite, une langouste et un consommé (Marina mange toujours trop quand elle est amoureuse), le couple se marie et rentre à New York. Une fois en ville, leurs différences de mode de vie et de fréquentation leur sautent aux yeux. Quand Marc, qui vilipende article par article un caïd de la pègre qui truque des combats de boxes, se plaît à faire des pokers avec des journalistes plus ou moins mal embouchés, Marine dessine des modèles pour dames et fréquente le milieu des artistes de Broadway. Sur cette trame se glisse une ancienne maîtresse de Marc, Lori Shannon (Dolores Gray), dont Marina devient immédiatement jalouse, et les menaces de Martin Daylor (le caïd) envers Marc, qui enchaîne les maladresses pour protéger son épouse, entraînant ainsi des moments de pure jubilation pour le spectateurs.
Bacall et Peck auraient dû tourner davantage de comédies: ils y sont réjouissants à souhait, pince-sans-rire, légers, avec un humour qui s'adresse aussi bien aux autres qu'à eux-mêmes. Le rôle de Marc était pour Cary Grant, celui de Marina pour Grace Kelly: on ne regrette pas cette première affiche, tant le tandem Bacall-Peck fonctionne bien. On peut cependant noter le visage un peu dur, un peu crispé de Lauren Bacall : le tournage se déroule l'année de la mort d'Humphrey Bogart, et l'on voit toute la tension que cause à l'actrice cette triste période. Minnelli joue agréablement sur le thème classique incompatibilité de caractère/couple heureux. Marina est jalouse de Lori Shannon (alors que celle-ci s'est déjà vengée de Marc en lui renversant un plat fumant de ravioli sur son pantalon) mais refuse de l'admettre, Marc est mal à l'aise avec les artistes que reçoit sa femme et déteste son ancien soupirant, le producteur Zachary White, mais préfère lui mentir quand il doit se cacher de Daylor, afin de ne pas l'inquiéter.
Les seconds rôles sont à l'avenant: Maxie Stultz (Mickey Saughnessy), un ancien boxeur ayant prit un coup de trop, chargé de protéger Marc et boxant toute personne qu'il croit voir loucher (et, évidemment, toutes louchent), Lori Shannon, au physique rendant jalouse Marina (on remarque ici que, la mode étant au format Marilyn Monroe, Marina se dit battu à plates coutures par ces Vénus callipyges) et qui se console dans les bras de White. La scène finale est un régal: dans une baston générale mettant en scène Marc, Maxie Stultz et les gros bras de Daylor, c'est... le danseur Randy Owen, celui que Marc trouve efféminé, qui met K.O. tout le monde en dansant, grâce à un art consommé de la savate. Film jouissif donc, dont l'idée fut soufflée à Minnelli par la costumière Helen Rose. On ne regrette qu'une chose: que Bacall et Peck n'aient pas davantage tourné ensemble.
LA FEMME MODÈLE (DESIGNING WOMAN)
MGM, 1957
Réalisateur: Vincente Minnelli
Photographie: John Alton
Distribution: Gregory Peck (Marc Hagen), Lauren Bacall (Marina Braun), Dolores Gray (Lori Shannon)
Premier visionnage: Arte
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